Syrie

Porteurs d’espérance

1 juin 2023

« Ne nous oublie pas. » Ce sont les derniers mots d’une amie syrienne avant mon départ… Mais comment les oublier ? Cette année passée aux côtés des chrétiens d’Orient a été encore plus édifiante que tout ce que j’aurais pu imaginer !

Je repense d’abord à la grande joie éprouvée lors de l’annonce de mon départ en Syrie, à ma hâte de découvrir cette terre, berceau de la chrétienté, et d’apporter mon aide aux héritiers de cette foi dans les multiples difficultés qu’ils traversent.

Mon arrivée en mission me paraît dater d’hier, mais me semble en même temps si lointaine : que d’événements vécus depuis ! À commencer par la découverte du pays : Damas, Homs, Maaloula, Qara et Alep, la réouverture des lieux de mission fermés à cause du manque de volontaires, les activités qui reprennent peu à peu, les multiples rencontres et témoignages… et la vie qui paraît basculer à cause d’un tremblement de terre, comme si le sort s’acharnait sur ce peuple qui souffrait déjà tant.

SYRIE

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SUR LE TERRAIN

Affectée à Alep avec deux autres volontaires, une semaine après mon arrivée, je suis accueillie à bras ouverts par l’équipe des employés et volontaires syriens d’Alep. J’avais déjà constaté la grande hospitalité des Syriens dès mes premiers jours en rencontrant les équipes de Damas et d’Homs, et lors de mon passage à Maaloula pour la grande fête de la croix.

Très vite après notre arrivée à Alep, nous relançons les cours au lycée français et à la garderie, les visites à la maison de retraite et à l’orphelinat, les chantiers et les dons de colis d’hygiène.

J’aimais particulièrement ces moments de rencontres avec les familles pendant lesquels nous échangions sur les difficultés de la vie, la foi, ou encore sur les magnifiques témoignages de ce qu’était la vie à Alep avant, pendant et après la guerre. Nous étions souvent accueillis avec un café turc, toujours avec beaucoup de chaleur et de joie. Et toujours la même question qui revenait : pourquoi venir dans ce pays que tout le monde veut fuir ? Même si la raison était un peu floue au départ, c’est finalement grâce à eux que j’ai trouvé le point essentiel de ma mission.

Toute l’aide matérielle que nous pouvons leur apporter serait infiniment moins précieuse si elle n’était pas accompagnée de nos sourires et attentions. « S’il me manque la charité, je ne suis rien. »

Je me souviens, par exemple, d’une dame qui s’est mise à pleurer devant nous, puis m’a assuré que nos actions portaient la marque de la Sainte Vierge. Ou encore de cet homme que nous croisions dans la rue en allant au bureau, qui nous a abordé avec cette grande phrase : « Vous êtes des saints », et qui nous appelait « Ange de Dieu » lors de nos rencontres suivantes, en nous remerciant pour notre présence qui apporte soutien et réconfort aux chrétiens de Syrie.

Et c’est un prêtre franciscain qui a résumé les pensées de tous ces gens croisés pendant notre mission : « Vous êtes la preuve que Dieu ne nous a pas abandonnés, vous apportez l’Espérance dans les temps difficiles que nous traversons. »

Mais tout ce que nous pouvons leur apporter ne serait rien sans eux. Toute la motivation et la force dont nous avons besoin pour les aider, nous la puisons dans leurs attentions, leurs sourires et leurs amitiés. Ainsi, lors de l’opération d’urgence menée à la suite du désastre causé par le séisme du 6 février 2023, nous avons été rejoints à Alep par les équipes d’Homs et Damas, et avons passé une semaine à parcourir la ville pour évaluer les besoins des centres d’accueil ouverts au sein des écoles et des salles paroissiales, et leur apporter l’aide nécessaire.

Ce fut une semaine extrêmement fatigante pendant laquelle nous prenions à peine le temps d’une pause à midi pour avaler un sandwich rapidement, mais en même temps l’adrénaline et le fort esprit d’équipe nous ont aidés à tenir ce rythme intensif. Le plus grand réconfort est arrivé à la fin de cette première semaine : à force de nous voir faire tant d’allers-retours, la voisine du bureau a souhaité nous remercier et nous aider à sa manière en nous offrant une soupe de lentilles, sans doute celle que j’ai le plus appréciée de toute ma vie !

À la suite du séisme, j’ai été particulièrement marquée par la capacité des Syriens à se relever. Eux qui avaient passé un mois hors de chez eux à cause des répliques plus ou moins puissantes, nous ont permis d’assister le mois suivant aux plus belles célébrations de Pâques auxquelles je n’avais jamais pris part. Comme si les Aleppins puisaient leur force directement dans la Passion du Christ. En voyant les grandes processions et le faste des célébrations, rien ne laissait penser qu’Alep venait de vivre un séisme destructeur, si ce n’est les fissures toujours visibles sur les murs qui nous entouraient. Et la vie a repris.

C’était particulièrement touchant ensuite d’assister aux tournois de volley puis de handball inter-scouts et de voir tous les jeunes s’amuser et fêter leurs victoires tous ensemble, ou encore la fête de fin d’année de l’école avec les adieux à ceux qui partent. Plus rien d’autre ne semble compter à ce moment-là.

Plusieurs fois lors d’activités, j’ai pensé que je pourrais aider encore plus, d’une toute autre manière, en ayant l’impression que ce que je faisais était minime par rapport aux besoins. Mais c’était finalement bien notre place, et comme disait Mère Teresa, « Tout ce que nous faisons n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan, mais sans cette goutte d’eau, il manquerait quelque chose. » Et dans le cœur des Syriens, cette goutte d’eau leur permet de reprendre des forces et de se battre au quotidien. Plus important encore que l’aide matérielle, nous leur apportons l’Espérance.

Au moment déchirant des adieux, j’ai reçu les plus beaux témoignages d’amitié, à l’oral, par message ou des marques d’attention si petites mais tellement grandes ! Et tous m’ont assurés que j’aurais toujours une place en Syrie qui est devenue ma deuxième maison. Non, vraiment, je ne les oublierai pas. Plus que des amis, j’ai trouvé une famille en Syrie.

Aude, volontaire en Syrie

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