La mission bouleverse.

Chère Égypte,

 

J’ai laissé derrière moi ton bruit envahissant qui m’était pourtant devenu si familier qu’il en était rassurant. Qui eut cru à mon arrivée, cette nuit noire de septembre – lourde de pollution et de la chaleur étouffante de ton été qui aime à s’éterniser – que tu me réservais de si beaux mois de mission. D’aucuns m’avaient prévenu : « Tu verras, c’est une expérience incroyable ! Tu t’en trouveras changée. » Je m’imaginais tout un monde, j’étais pourtant si loin de la réalité.

 

Dès les premiers jours, bien au-delà du faste et des merveilles que ta terre fertile recèle, j’ai découvert tes bas-fonds, l’envers d’un décor trop souvent idéalisé. Hypocrisie du « paraître »… Loin des richesses antiques, des monastères des pères du désert, je me suis laissée bouleverser par ce bidonville d’Ezbet el Nakhl dans lequel a tant œuvré Sœur Emmanuelle.

 

Je me souviendrai toujours de mon arrivée au quartier des chiffonniers ; la nuit était déjà tombée, apportant une fraîcheur attendue par la foule qui grouillait à la sortie du métro.

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L’ambiance était à la cacophonie, les tuk-tuks hélant avec cris et mouvements les passants, les klaxons se répondant dans un vacarme assourdissant. Au milieu de ce désordre une femme sans âge, la face défigurée d’un rictus de douleur – ou de folie ? – gisait sur des monceaux de déchets. Premier contact avec la misère, vision si poignante qu’elle en était intolérable.

« On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. » Le renard de Saint-Exupéry retenait bien là le plus grand des secrets. Les cinq mois passés au sein du bidonville m’ont appris à ouvrir plus grand le cœur.

 

Là où je ne voyais, les toutes premières semaines, que des rues de terre aride et poussiéreuse, des amas de déchets, une puanteur étouffante ou encore les mains crasseuses des enfants, j’ai appris à me laisser attendrir par le charme indéniable de leurs sourires si généreux.

J’ai appris que révolutionner le monde et détruire la pauvreté est impossible. Il s’agit d’accueillir les petites victoires. Ainsi, faire chanter le Cantique de Marie à une vingtaine d’adolescents si peu sensibilisés à la musique était une victoire. Voir les yeux s’animer, la fierté sur leur visage et ceux de leurs parents, une bien plus grande encore !

 

Au début de ma mission, une volontaire et amie à la main bien plus verte que la mienne a décidé de donner une seconde vie à une plante trop inondée de soleil. Baptisée « Renée », nous avons toutes deux vu cette petite plante évoluer au rythme de notre mission. Mon amie m’avait dit : « Tu vois, nous sommes là pour planter une graine. Volontaire après volontaire, cette graine grandit et porte des fruits. » Renée, cette minuscule pousse, était fertile et ne cessait de grandir.

 

Je prenais régulièrement plaisir à penser que chaque projet, aussi petit et insignifiant soit-il au regard de la pauvreté en Égypte, était utile et donnerait sur le long terme des fruits incroyables.

 

La mission bouleverse donc ! Elle apprend l’humilité, la patience, le détachement. Mais elle est surtout une grande leçon de vie. Leçon d’Amour qui passe essentiellement par la joie.

 

Sœur Emmanuelle le disait elle-même : « Chacun doit trouver où mener son combat pour qu’il y ait plus de joie dans le monde. Le monde est comme un miroir : si tu donnes la joie, tu en reçois. ».

 

Les chrétiens d’Ezbet el Nakhl sont de merveilleux pourvoyeurs de cette joie dont parlait leur protectrice. Malgré leur extrême pauvreté matérielle, ils font quotidiennement preuve d’une grande richesse de cœur. Paradoxe extrême : ceux qui ont le moins donnent le plus.

 

Un infini merci à toi, l’Egypte, de m’avoir fait découvrir ta face cachée mais ô combien présente. Je me sens si chanceuse, et je retiens intensément chaque émotion ressentie au cours de ma mission, chaque personne rencontrée.

 

Je me souviendrai du parcours incroyable de Miss Marlène, directrice d’une petite école dans le bidonville, qui s’est battue pour accéder à l’éducation et se voue corps et âme pour que ses écoliers aient cette même chance. Elle est une source d’inspiration immense, fière et si humble à la fois.

 

Je me souviendrai de ses élèves : Kolos – sa bouille d’ange et ses pitreries, Naima – sa voix si claire et ses sourires complices, Youssef – adolescent si talentueux et appliqué, Nancy qui a appris seule la partition de piano d’un chant latin que nous leur enseignions… autant de merveilleuses âmes que j’ai eu la chance de rencontrer.

Je me souviendrai des enfants des garderies dans lesquelles nous jouions avec rien (ou si peu) ; de la joie ressentie quand, enfin, nous avons pu leur offrir des lits pour que les bébés cessent de dormir à même le sol.

 

Je me souviendrai des Filles de Marie, bataillant vaillamment sur les traces de sœur Emmanuelle en plein cœur du bidonville. Elles sont un exemple de dévouement et symbole d’espoir.

 

Je me souviendrai des personnes âgées que nous visitions, des échanges de regards au travers desquels tant de choses passaient, éclipsant tous les mots que nous aurions pu dire. 

 

Je me souviendrai des croix sur leur poignet, fiers héritiers d’une Foi si riche. Les chrétiens d’Orient sont un modèle de persévérance, d’espérance et de joie ; nous avons tant à apprendre d’eux.

 

Je me souviendrai de bien d’autres choses, de beaucoup d’autres belles âmes croisées sur ta terre d’Égypte… elles sont à présent inscrites en mon cœur.

Clémence, volontaire en Egypte.

Votre responsable de pôle

Iseult Béchaux

Responsable des volontaires

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