A l’ombre des cèdres, la misère et l’espoir des chrétiens.

Ce jeudi 17 septembre je quitte le Liban, pays des cèdres éternels et perle brisée du Proche-Orient. Mon cœur se serre, comme l’année dernière quand je quittais ce même pays après deux mois de mission. Ce nouveau mois passé au Liban m’a marqué à vie : jamais je n’oublierai la détresse d’un peuple prisonnier d’un destin qu’il ne maîtrise plus ; jamais je n’oublierai la détermination et la résilience de nos frères chrétiens du Liban.

 

À mon arrivée à Beyrouth, début août, je ne peux que constater l’ampleur des dégâts provoqués par les blessures de la guerre civile jamais refermées, par une année de crise économique inédite, par une épidémie de COVID 19 et, comme si tout cela ne suffisait pas au malheur des Libanais, par une explosion d’une violence inouïe qui a ravagé le centre de Beyrouth et emporté 191 martyrs.

 

Ma première semaine de mission est consacrée au déblayage des immeubles des quartiers sinistrés de Beyrouth et à l’évaluation des besoins des familles touchées de plein fouet par cette catastrophe. Quand les autres volontaires et moi-même marchons dans les rues nous croisons les regards des Libanais dans lesquels se confondent la tristesse, la colère et l’espoir.

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Je me souviens de cette mère de trois enfants que nous aidions pour déblayer son appartement et remettre des vitres à ses fenêtres soufflées par l’explosion. Son mari, militaire dans l’armée libanaise est mort au combat en défendant son pays face aux barbares de Daesh. Elle est maintenant seule pour s’occuper de ses enfants qu’elle éduque courageusement. Hélas, à cause de la crise économique, elle n’a plus assez d’argent pour payer la scolarité de ses enfants. Et, comble du malheur, l’explosion du port de Beyrouth a ravagé une bonne partie de son appartement.

 

Pourtant, elle nous confie : « La statuette de Saint Charbel, qui trône fièrement en dessous du drapeau libanais, me donne la foi de lutter pour que mes enfants aient un avenir meilleur. » Le petit Élias, l’aîné de la famille, un portrait de son défunt père à la main, me décrit dans un français impeccable celui qu’il a peu connu. « Mon père est un grand soldat ! Il s’est battu pour Jésus et le Liban. Quand je serai grand, je voudrai être aussi fort et courageux que lui. »

 

Je suis impressionné par la foi et la détermination de cette famille chrétienne qui personnifie à elle seule les malheurs du Liban. Je suis fier d’avoir pu leur venir en aide ainsi qu’à des dizaines d’autres après cette catastrophe. SOS Chrétiens d’Orient est un réel réconfort pour les Libanais meurtris et contribue largement à améliorer le quotidien de ces sinistrés.

Les semaines suivantes me voient poursuivre ma mission à Tripoli dans le quartier chrétien de Mina où l’association apporte une aide et un soutien précieux aux chrétiens minoritaires puisque 80% de la ville est musulmane sunnite.

 

Entre l’entretien du monastère franciscain de Mina, les donations de diverses denrées aux familles pauvres et les jeux avec les enfants, aucun jour ne se ressemble. Après de longues séances de jardinage entrecoupées de parties de foot et d’épervier endiablées, chaque fin de journée est l’occasion de s’attabler chez Rachid afin de partager un narguilé avec les jeunes du quartier et d’échanger sur leurs situations, leurs problèmes et leurs rêves. L’un d’eux, Rony, des étoiles plein les yeux, nous confie vouloir étudier la médecine en France pour revenir travailler au Liban afin de sauver des vies. Son frère, Rudy est étudiant en école de commerce. Il devait partir en échange aux États-Unis mais la crise économique a brisé ses rêves de voyage.

 

Tant de vies et de rêves de jeunesse brisés mettent à genoux une jeunesse libanaise prometteuse.

L’ambiance de ce quartier familiale et agréable nous convient parfaitement. Nous nous sentons chez nous. La petite Mariana tente chaque jour de m’apprendre l’arabe tandis qu’Élie et Rony m’appellent pour jouer au foot. Malgré cette ambiance grisante, les fléaux de la crise économique ne sont jamais loin. Les familles chrétiennes nous partagent leurs craintes face aux pressions économiques et démographiques. Une mère de famille nous raconte que ses deux filles ne quittent plus le quartier de Mina depuis que des jeunes hommes sunnites leur ont fait subir une série d’humiliations et d’intimidations aussi odieuses que lâches. Le calvaire de ces familles libanaises chrétiennes ne semble jamais s’arrêter…

Je rentre ensuite quelques jours à Beyrouth où je me joins aux volontaires de la « Nation Station », une association de quartier qui distribue de la nourriture, des vêtements et des produits de première nécessité aux familles sinistrées par l’explosion et la crise économique.

 

Lors d’une de mes missions à la « Nation Station », le drame libanais s’impose à moi dans toute sa violence et pourtant une image vivace me réchauffe le cœur. Ce jour-là, alors que je tends un simple manouche à un petit garçon nommé Charbel, son visage triste s’illumine d’un large sourire. Comme si en quelques secondes, le passé avait disparu et le présent était radieux. Je ne peux qu’immortaliser ce précieux sourire qui représente la ligne directrice de la mission de SOS Chrétiens d’Orient au Liban : redonner espoir et confiance aux chrétiens du pays du cèdre.

 

Je termine ma mission à Qaa, un village chrétien de 5 000 habitants situé à 5 kilomètres de la frontière syrienne au bout de la plaine de la Bekaa en plein fief chiite. Pour y avoir passé la totalité de ma mission l’an passé, je retrouve des amis et me reconnecte avec ce qui m’a fait tomber amoureux du Liban.

 

Mais à mon retour, j’éprouve des sentiments partagés. Je suis ravi de retrouver mes nombreuses connaissances mais cette joie est obscurcie par la situation du village qui subit de plein fouet la crise économique et les effets néfastes de la corruption. En effet, de nombreuses familles de la classe moyenne libanaise ont perdu leur pouvoir d’achat et ne peuvent plus subvenir aux besoins de leurs enfants. Je pense à cette famille de Qaa qui vit du seul salaire du père de famille, officier dans l’armée libanaise et qui ne peut plus scolariser ses trois enfants.

Notre mission est compliquée dans cette zone sensible. Nous vivons au milieu des grands oubliés du Liban. Entre les activités au CLAC (Centre de Littératures et d’activités culturelles) avec les enfants, les donations avec les pères du village et la finalisation du projet de financement de l’école, les chrétiens nous donnent, une fois de plus, une leçon de détermination. Malgré les problèmes, ils continuent à proposer et à croire en des projets de développement pour s’enraciner sur leurs terres. Je ne peux qu’admirer ce courage exemplaire.

 

Marqués par les crimes pendant la guerre civile, par les attentats commis par Daesh en 2016 et les durs combats qui ont suivis des mois durant, les chrétiens de Qaa sont accrochés à leur foi et à leurs terres. Quand nous discutons avec les anciens et les jeunes le discours est le même : « Nous sommes chez nous. Nos anciens ont payé le prix du sang pour défendre notre foi et notre village. Nous sommes prêts à défendre nos familles, notre religion et notre pays jusqu’au bout. »

 

Au-delà de l’aide matérielle et du réconfort que nous apportons à ces habitants, ce discours me transcende et donne un peu plus de sens à ma mission. Les chrétiens du Liban sont chez eux et nous devons les aider à rester. Sans les chrétiens, le cèdre éternel du grand Liban tombera. Pour ma part, il est impensable d’abandonner mes frères chrétiens qui luttent courageusement pour ce qu’ils sont. Leur foi et leur engagement sont un exemple à suivre pour nous tous.

Louis-Marie, volontaire au Liban

Votre responsable de pôle

Iseult Béchaux

Responsable des volontaires

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