C’est un livre plein de lumière que celui des souvenirs du Dr Adel Ghali. Ce dernier, modeste, préfère y signaler d’emblée qu’il ne prétend pas chercher la gloire : « L’Appel du royaume » est d’ailleurs sobrement sous-titré « récit » : « Churchill et de Gaulle ont écrit leur Mémoires, mais c’étaient des grands hommes. Je ne suis ni Albert Schweitzer ni Alexandre Fleming ; je suis un médecin parmi d’autres. Parmi des milliers de médecins égyptiens qui font quotidiennement leur travail. » Le travail du Dr Ghali rejoint sa vie : sa vie est auprès des « zaballines », ces chiffonniers du Caire qui trient les déchets.
Cela fait maintenant plus de 40 ans qu’Adel Ghali a choisi sa voie auprès des pauvres. A l’origine de cet engagement, sa foi de chrétien copte chevillée au corps, et une rencontre décisive, en 1977. Celle d’une religieuse surnommée « la petite sœur des chiffonniers » ; et pour cause : la vie de sœur Emmanuelle, bien connue, est liée à celle des déshérités.
Née à Bruxelles en 1908 d’une mère belge et d’un père français, elle entre dans la congrégation de Notre-Dame-de Sion et prononce ses vœux de vie religieuse en 1931. Enseignante cultivée et
charismatique, elle garde à l’esprit la volonté d’un service aux plus indigents, particulièrement en Orient où elle a été envoyée. En 1971, elle s’installe à Ezbet-El-Nakhl, un des bidonvilles les plus pauvres du Caire. Là-bas habitent principalement des chrétiens coptes orthodoxes. C’est le début d’une vie de difficultés et de joies, un travail acharné et quotidien pour l’amélioration de leurs conditions de vie.
« – Tu ne peux pas, de temps en temps, venir nous aider ? Je demeurai sans voix. J’ignorais encore que ma vie venait de se décider. » C’était en 1977. Le Dr Ghali travaillera à plein-temps avec Sœur Emmanuelle à partir de 1982. On n’a
nulle peine à comprendre, en lisant ses souvenirs, comment la rencontre d’une telle femme a pu bouleverser ses projets. Dans son récit, on la trouve à la fois énergique – voire autoritaire – aimante, et pleine de foi. Sœur Emmanuelle, qui a reçu la nationalité égyptienne du président Moubarak en 1991, faisait le lien entre l’Occident et l’Orient.
Dans son livre, Adel Ghali nous parle aussi des échanges entre ces deux « civilisations » : de leurs liens historiques, de leurs différences aussi. Ce qui demeure le plus mis en lumière est la joie singulière des chiffonniers ; leur simplicité qui respire la confiance en Dieu. A eux et à leurs enfants, à leur instruction et à leur vie future, le Dr Ghali continue de consacrer son quotidien; avec l’appui de bénévoles et d’associations comme SOS Chrétiens d’Orient. Patiemment, il poursuit le travail de Sœur Emmanuelle. A 72 ans, il raconte sobrement, à sa manière, son chemin de vie. « L’Appel du royaume » est un livre émouvant et plein d’espoir.
Jeanne RIVIERE