Plus qu’un camp d’été, un répit salvateur pour 30 enfants libanais !

Au cœur du Mont Liban, non loin de Byblos, un petit village de la vallée de la Bekaa résiste à la chaleur estivale, grâce à la protection fournie par ses montagnes environnantes. Cette vallée, une des plus riches du Liban, concentre une importante présence chrétienne maronite car elle ne compte pas moins de 30 monastères dans un diamètre de 50 kilomètres.

Dans ce petit village, un grand et beau monastère accueille les pères et frères maronites pour les vacances d’été. En forme de U surmonté d’un toit en tuiles rouges et agrémenté d’un immense potager rempli de serres, le monastère est un paradis sur terre, avec une vue dégagée sur les montagnes et la mer.

 

Tout au long de l’année, il abrite également une école et propose durant le mois de juillet un camp d’été de deux semaines pour apprendre le français aux enfants du village. C’est ici que nous retrouvons les volontaires de SOS Chrétiens d’Orient. Leur défi pour les deux prochaines semaines sera d’occuper une trentaine d’enfants tous plus turbulents les uns que les autres mais très attachant et en constante recherche d’attention.

 

Tous les matins, ils étudieront le français et les après-midis ils participeront à des ateliers créatifs et sportifs pour se dépenser et se fatiguer avant la nuit. “Mens sana in corpore sano.” Une devise que les volontaires vont tenter d’appliquer le mieux possible compte tenu de leurs compétences respectives tant linguistiques que sportives !

Le camp commence sur les chapeaux de roue. A peine descendus de voiture, les enfants sont répartis en 5 classes de 4 à 11 élèves, selon leur niveau linguistique. Un volontaire est spécialement désigné comme instituteur référent afin de leur permettre de bénéficier d’une formation personnalisée, en petit comité.

 

Les classes ne paient pas de mine mais ne sont pas vétustes et le mobilier suffisant pour remplir la tête de nos petits protégés. Dans chaque pièce des tables de bois et de métal avec un petit casier où ranger les crayons et trousses mais aussi les antisèches ! Les souvenirs de mes années de collège remontent ! Ces tables étaient aussi toute ma vie…

 

Quelques livres et feuilles de papier vierge occupent l’espace. Les cartables des filles gisent au sol récemment balayé par les volontaires. Aux murs, quelques pancartes colorées égayent les pièces dénudées : une fleur multicolore dont les pétales indiquent les jours de la semaine, une bannière imagée en anglais indiquant les bons comportements à adopter dans la classe, un panneau de bois sur lequel des feuilles A4 en français présentent en image le temps qu’il fait. Un soleil sourit, une grenouille tente d’avancer alors que le vent souffle fortement.

 

Au-dessus du tableau trônent une icône de la Vierge Marie et un crucifix. Voilà ! J’ai balayé la pièce du regard. J’ai mes repères, le cours peut commencer.

Ce matin, nous débutons par une prière à la Vierge Marie, en français bien sûr, avec des jolies illustrations que les enfants sont ravis de colorier. Leur motivation est visible et transparaît encore plus lorsque je lance “Qui veut écrire la date au tableau ?” En un instant, une haie de mains se lèvent. Ici, personne ne semble timide. Après une année difficile loin de leurs camarades suite à la fermeture des écoles pour raison sanitaire, ils ont à cœur de rattraper le temps de perdu et de profiter au maximum de la chance qui leur est donnée.

 

“Vandredi 19 Juilé…vendredi 19 juillet” C’est bon, nous y sommes ! Je rappelle à l’ordre un petit garçon espiègle qui parle un peu trop fort, déconcentrant le reste de la classe et attaque joyeusement la dictée. Je veux tester leur capacité à se remémorer le vocabulaire découvert la veille sur les adverbes de temps. Je passe dans les rangs, scrute les feuilles, donne des conseils, rectifie les fautes bénignes et encourage les plus faibles pour qu’ils ne se démotivent pas. L’apprentissage d’une langue n’est facile pour personne et pourtant ils sont là malgré tout. La suite ne leur apportera pas plus de répits. Nous nous attaquons aux différents types de phrases : affirmative, interrogative, négative, exclamative… L’exercice est laborieux, les regards sont sévères et les fronts se plissent… Il faut se concentrer, écouter et répéter inlassablement jusqu’à ce que la notion soit comprise ou que l’heure de la récréation sonne.

 

Et là, aucun enfant ne se fait prier pour sortir ! C’est la ruée vers l’or, ou plutôt vers les toboggans, ballons et balançoires. A l’ombre des arbres, les jeunes se bousculent, se tirent les cheveux, parlent forts pour être celui qu’on entend le plus… Une scène typique dans une cours de récréation. Extérieurement rien ne laisse penser que ces enfants vivent dans un pays qui vit la pire crise de son histoire. Le Liban manque de tout, les Libanais sont plongés dans la pauvreté et rien ne présage une sortie de crise rapide. Et pourtant les sourires illuminant les visages de la génération qui pourrait relever le pays, en disent long sur leur capacité de résilience et leur envie de ne pas penser uniquement au présent. Casquettes vissées à l’envers sur la tête, baskets aux pieds, bracelets du pays au poignet, ils ne goûtent pas leur peine pour tester tous les jeux de la cour et trouver même parfois des utilisations bien originales à chacun d’entre eux.

Les plus petits simulent des courses en sac, les grands se lancent dans une chorégraphie sur le titre Jerusalema, air mondialement connu de Master KG et d’autres participent enfin à un jeu arrangé à la sauce local, le “1, 2, 3 animaux” qui consistent à prendre la pause d’un animal lorsqu’un volontaire scande le mot “animaux”.

 

Qui dit récréation dit encas et pour notre plus grand malheur, bien vite, des paquets de chips ou de gâteaux s’amoncèlent rapidement aux 4 coins de la cour. En plus de consommer quotidiennement des aliments fortement salés et sucrés qui, avec le temps, nuisent à leur santé, ils n’ont pas pris l’habitude dès leur plus jeune âge de jeter les déchets dans des poubelles. Partout au Proche-Orient, le long des routes et des rues, vous verrez donc facilement des bouts de plastique ou des canettes voler au gré des vents. La cour ne fait plus exception ! Il nous faudra rapidement leur faire un point hygiénique afin que ce spectacle ne s’éternise pas dans le temps.

 

Mais pour l’heure, les cours reprennent. Alors, dans la même cohue qui s’est emparé du monastère au moment de la pause, les enfants se dirigent vers les salles de classe, déposent leurs chapeaux et casquettes sur les bancs derrière leur dos, empoignent leurs crayons et se reconcentrent rapidement.

Pour les plus petits, la deuxième partie de la matinée sera consacrée à la compréhension écrite et orale. Après un passage rapide à la bibliothèque, nous nous installons tous en cercle sur le sol pour lire les histoires. Suspendus aux lèvres de l’institutrice, qui illustre les péripéties à grand renfort de gestes (un langage universel !), les enfants sont fascinés.

 

Chacun à leur tour, ils lisent ensuite un petit passage, pour travailler la compréhension orale et améliorer leur prononciation, à l’aide des rectifications bienveillantes de la jeune volontaire. Les enfants sont concentrés et passionnés par les aventures de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf, de Jean le petit garçon français qui achète une baguette de pain pour sa maman et de Marie qui offre une écharpe à sa maman pour Noël. Chaque histoire recèle son lot de surprises et déclenche des rires ou des exclamations d’étonnement. Apprendre le français n’a jamais été aussi ludique ! Je me prends à espérer qu’ils apprécient autant les cours en classe que les activités sportives de l’après-midi.

 

Compte tenue de la température extérieure, nous prévoyons des Olympiades avec jeux d’eau ! En survêtements, les enfants sont divisés en 4 équipes, les âges et les classes sont mélangés pour renforcer la cohésion du groupe. Pendant que deux équipes effectuent un parcours sportif composé d’une course en sac, d’un chamboule-tout, d’un slalom et qui termine en beauté avec une pyramide humaine, les deux autres équipes s’affrontent sur une épreuve…arrosée.

Assis les uns derrière les autres sur le bitume, les enfants doivent transmettre à l’aveugle de l’eau dans un verre, à celui qui se trouve immédiatement derrière, jusqu’à arriver à une bassine qu’il faut remplir un maximum.

 

La journée étant particulièrement chaude, un soleil de plomb pesant sur Mayfouk, cette activité donne l’excellente opportunité d’une bataille d’eau générale entre les participants, trempés des pieds à la tête. Riants aux éclats, il est bien difficile pour les enfants de viser correctement !

 

Non loin, les enfants sont confrontés à des activités plus calmes requérant stratégie et concentration. L’une consiste à placer des cailloux dans un verre d’eau vide, flottant dans une bassine d’eau. L’équipe faisant couler le verre fait perdre son équipe. Un caillou, deux cailloux, dix cailloux…le suspense monte, le verre vacille, se remplit quelque peu d’eau…mais ne coule pas. L’équipe adverse positionne avec délicatesse le onzième caillou…c’est celui de trop. Une équipe se navre du naufrage, l’autre exulte !

 

Mais la revanche est possible au kim objets. Les enfants doivent mémoriser une quinzaine d’objets qui sont ensuite dissimulés sous une couverture. Quelques objets sont alors retirés discrètement et les enfants doivent nommer les objets manquants. Match nul, décidément, les adversaires sont coriaces. Qu’à cela ne tienne !

16h, tous peuvent se réconcilier autour d’un bon goûter et se remémorer les souvenirs de la journée. Amitié, joie, soleil et chocolat. Les parents arrivent, et retrouvent leurs enfants trempés, heureux. A demain « Madame Mathilde » ! Au revoir les enfants, à demain ! La semaine ne fait que commencer, les aventures débutent.

 

Avec 1000€, vous permettez à une trentaine d’enfants libanais de vivre des moments inoubliables dans une période de crise qui, tous les jours, crucifie un peuple lourdement éprouvé. Alors n’hésitez plus.