Le dernier adieu des Palestiniens à Shireen Abu Akleh, « la voix de la Palestine ».

Samedi 14 mai, des milliers de Palestiniens se sont massés Porte de Jaffa à Jérusalem pour dire adieu à « la voix de la Palestine », Shireen Abu Akleh, Palestienne chrétienne orginaire de Jérusalem, journaliste vedette de la chaîne d’information Al-Jazeera. Un hommage vibrant perturbé par une charge de la police israélienne, provoquant un tollé international.

Mercredi 11 mai au matin, Shireen Abu Akleh, vêtue d’un gilet pare-balle siglé « press » et coiffée d’un casque de reportage, a été touchée par une balle au niveau de la tête alors qu’elle couvrait les raids de l’armée israélienne dans le camp de réfugiés de Jénine, une ville au nord de la Cisjordanie. Transportée à l’hôpital Ibn Sina de Jénine, les médecins n’ont pu que constater son décès à son arrivée.

Pour l’heure, l’origine du tir contre Shireen n’est pas claire et seul un examen balistique pourrait apporter la réponse que tous attendent. Mais le Conseil de sécurité de l’ONU a immédiatement condamné à l’unanimité « le meurtre » de la journaliste de 51 ans et a réclamé « une enquête transparente et impartiale ».

C’est donc sous haute tension que Jérusalem s’est réveillé vendredi 13 mai pour les funérailles de la journaliste. Et alors que les rues se sont parées aux couleurs de Shireen, des violents incidents ont très vite émaillé les obsèques.

A la sortie du cercueil de l’hôpital Saint-Joseph à Jérusalem-Est, la police israélienne fait irruption dans l’enceinte de l’établissement et charge une foule brandissant des drapeaux palestiniens. Le cercueil menace d’échapper des mains des porteurs frappés par des policiers armés de matraques avant d’être rattrapé in extremis, selon des images retransmises par les télévisions locales. Au total, quatorze personnes sont blessées, dont trois touchées à la tête par des balles de métal cerclées de caoutchouc. D’autres vidéos montrent la police ayant recours à son canon à eau pour chasser les manifestants regroupés le long de la route 60.

Le corbillard traverse la porte de Jaffa vers 14h15 et file en direction de la cathédrale grecque-melkite catholique au son des slogans scandés par la foule : « Notre vie et notre sang sont pour toi, martyr », « Musulmans et chrétiens, tous ensemble pour Shireen ». L’église est bondée. Des représentants diplomatiques de différents pays ont fait le déplacement, dont René Trocaz, consul général de France à Jérusalem. Fait exceptionnel, le patriarche grec orthodoxe Théophile III est présent dans une église grecque catholique faisant sauter un nouveau clivage religieux lors de ces funérailles uniques présidées par Mgr Yasser Ayyash, vicaire patriarcal grec-melkite catholique de Jérusalem. Pendant la cérémonie religieuse, la police israélienne fait de nouveau usage de la force en se ruant sur l’église afin d’y retirer les drapeaux palestiniens qui la pavoisent.

Une heure plus tard, le cercueil sort de l’église dans une puissante vague humaine qui déferle telle un torrent, sur une esplanade déjà noire de monde. Sur les visages se lisent beaucoup d’émotion ; des larmes coulent parfois ; les yeux pétillent de fierté de pouvoir défiler, drapeaux palestiniens flottant au vent, pour honorer une des leurs.
Il est à peine 16 heures. Les cloches de Jérusalem se mettent en branlent. Pour la première fois de l’histoire, toutes les églises de la ville sainte les font sonner à l’unisson. Une femme s’en est allée. Une icône va rester.

Le lundi 16 mai, les évêques des Eglises de Terre-Sainte, ont condamné dans un communiqué « la violente intrusion de la police israélienne dans le cortège funéraire de la journaliste. (…) En envahissant l’hôpital, et en attaquant les personnes en deuil, en les frappant avec des matraques, en utilisant des grenades fumigènes, en tirant des balles en caoutchouc, en effrayant les patients de l’hôpital, la police israélienne a fait preuve d’un usage disproportionné de la force, ce qui constitue une violation grave des normes et règlements internationaux, y compris le droit humain fondamental de la liberté de religion, qui doit être respecté également dans un espace public. »

Pour en savoir plus

Sources : France 24, Le Parisien, Terre Sainte Magazine, La Croix, Le monde