A Qaraqosh, un mariage vire au cauchemar…

Dans la nuit du 26 au 27 septembre, un incendie a ravagé une salle des fêtes de la ville chrétienne de Qaraqosh alors que 900 invités sont réunis pour célébrer le mariage de Revan et Hanee.
 
Peu avant 11 heures du soir, les mariés prennent place sur la piste de danse et entament un slow. Les regards se tournent vers eux. Les caméramans immortalisent les sourires des mariés, les vivats de la foule, les serviettes immaculées tournant dans le vide et puis les regards changent, les têtes se tournent vers le plafond, les yeux de Revan parlent de l’effroi. Le plafond est en train de s’embraser et les flammes se propagent vite. Des craquements se font entendre. Les cris retentissent. La panique gagne l’assemblée. Les parents attrapent leurs enfants par la taille, fuient vers les portes. Revan, lui, se tourne vers son épouse. Engoncée dans une imposante robe de mariée, Haneen ne peut pas courir. « J’ai attrapé mon épouse et j’ai commencé à la traîner. (…) J’ai essayé de l’aider à s’échapper par les cuisines. » 
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Dans la panique, la jeune femme est blessée par des convives terrorisés : « Alors qu’ils s’enfuyaient, des gens l’ont piétinée. Elle a été blessée aux jambes »  

Après les flammes, la fumée suffocante. Ceux qui n’ont pas réussi à fuir s’éteignent dans un océan de flammes. 

Le lendemain, après avoir fouillé les décombres, un homme sort de la pièce ravagée, agitant frénétiquement une tunique traditionnelle assyrienne déchirée. Il s’écroule en larmes, sur le sol. Cette tenue, c’est celle de sa mère. Il ne reste d’elle que de la cendre. 

Ce drame a causé la mort d’environ 115 invités, dont la mère du marié, trois frères, tous les oncles et les jeunes cousins de la mariée. Plus de 20 corps sont toujours non identifiés et plus de 25 personnes sont portées disparus, 547 personnes ont été blessées. 

Suite à cette tragédie, un deuil national de trois jours est déclaré et le mercredi 27 septembre, tous les chrétiens sont appelés à jeûner en hommage à toutes les victimes. Depuis, tous les jours, les villes du Kurdistan irakien voient se dérouler les funérailles des victimes : un ballet incessant de cercueil porté en procession dans des rues bondées d’où résonnent les cris et les pleurs des familles brisées.  

Les mariés, quant à eux, sont « bien vivants assis devant vous. Mais, à l’intérieur, nous sommes morts. Nous sommes anéantis. Nous sommes morts. » Dévastés, les yeux dans le vague, éteints. Voilà les images qui nous parviennent de ce couple, endeuillé le jour qui devait être le plus beau de leur vie. « Nos proches, nos amis, les gens qu’on aime sont partis. Nous avons enterré l’oncle d’Haneen, ses deux filles. Le lendemain nous enterrions un autre oncle. Aujourd’hui, nous avons inhumé sa fille, puis sa mère. Son père est dans un état critique. » 

Dimanche 1° octobre, toutes les messes des Eglises assyriennes, chaldéennes et syriaques en Irak et dans toute la diaspora sont célébrées pour les victimes de la tragédie de Qaraqosh. 

Les Eglises d’Irak et les familles demandent des comptes.

Jeudi 28 septembre, le Premier Ministre irakien Mohamed Chia al-Soudani, en visite à Qaraqosh s’exprime sur la catastrophe, réclamant des « peines maximales » à l’encontre des « personnes responsables de manquement ou de négligences à l’origine du douloureux incendie ».

Au total, quatorze personnes sont arrêtées : dix employés de la salle, le propriétaire et trois personnes impliquées dans l’activation des feux d’artifices. Finalement, le maire de Qaraqosh, le chef de la Division du tourisme et des loisirs, le directeur municipal, un responsable de l’électricité et le chef de la lutte contre les incendies et de la sécurité du corps de défense civile de la province de Ninive sont limogés pour « négligence grave » ainsi que pour « manquements dans l’exercice de leurs fonctions ». « Le maire a été négligent : la salle a été construite illégalement sur le terrain, mais le maire a autorisé sa mise en service, sans l’approbation d’autres organismes publics », a confié le ministre.

Mais très vite, les voix s’élèvent : Et si cet incendie n’était pas le résultat des fontaines d’étincelles froides, qui sont réputées comme étant non inflammable, mais bien d’un acte criminel et intentionnel ?

Les conclusions de l’enquête, ouverte par le gouvernement, n’apaisent pas les esprits. L’origine du feu n’est pas volontaire, étant seulement la cause d’une « négligence grave ».

A leur tour, les autorités religieuses montent au créneau. « Les résultats du comité d’enquête sur l’incendie sont honteux ! Nous les rejetons, nous exigeons une enquête internationale. Je suis père de cette Eglise. Si je ne défends pas les droits de mes enfants, alors je n’ai aucun honneur à porter ce chapeau » déclare Monseigneur Youna Hano, archevêque syriaque orthodoxe de Mossoul, en brandissant son couvre-chef de prélat.

A l’image de Sa Béatitude Louis Raphaël Ier Sako, patriarche de Babylone des Chaldéens, qui dénonce « l’acte intentionnel d’un délinquant ». « Tout le monde sait que la corruption imprègne ce pays. Certaines milices ne craignent ni Dieu, ni le gouvernement. Les Irakiens en ont marre des slogans et des promesses qui n’ont jamais été tenus. La cause du massacre de Qaraqosh n’est pas un feu d’artifice, mais l’acte intentionnel d’un délinquant qui a vendu sa conscience et son pays pour servir ses intérêts. Cette salle a déjà accueilli beaucoup de célébrations et jamais rien ne s’est passé. La question centrale est pourquoi maintenant et quel est le but de cet acte odieux ? »

Sur un ton encore plus incendiaire, Monseigneur Nicodemus Sharaf, archevêque syriaque orthodoxe de Mossoul, renchérit, dénonçant même un génocide. Il explique que le responsable de cet incendie n’est ni le propriétaire, ni le directeur municipal, ni la défense civile, ni même le maire. La cause majeure de cette tragédie est la corruption généralisée dans tout le pays. Il enchaîne en dénonçant l’hypocrisie du gouvernement : « Il faut que le gouvernement démissionne. Le Parlement doit démissionner et ne pas se contenter de demander des comptes à quelques responsables. Tout crime commis ne sera imputé qu’à trois ou quatre personnes qui deviennent des boucs émissaires pour le silence des personnes concernées.

Tous ceux qui ont un pouvoir de décision dans le pays doivent démissionner, du Président de la République au Premier Ministre en passant par le Président du Parlement […]. Tous doivent rendre des comptes et présenter leur démission parce qu’ils n’ont pas pu protéger ce peuple. Honte à vous ! », ajoutant ensuite que « ce pays est révoltant et demeure un cimetière pour ses citoyens ».

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« En ces moments difficiles, toute l’équipe de SOS chrétiens d’Orient est mobilisée au côté des chrétiens de Qaraqosh par la prière mais aussi par l’aide matériel.  

Le 27 septembre, conformément aux demandes de l’hôpital et des centres médicaux, nous avons acheté des biens de première urgence. 

Au-delà de notre action sur le terrain, nous voulons exprimer notre profonde solidarité et nos pensées émues aux familles de victimes. » Grégoire Baudry, chef de mission en Irak. 

 

Face à cette terrible tragédie, SOS Chrétiens d’Orient assure de ses prières les familles endeuillées et prie pour le repos de l’âme de toutes les victimes. Que le Seigneur les accueille dans Son paradis et fasse la lumière sur cette affaire.