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Tu as aimé le Liban ?

Alors qu’elle s’apprête à quitter le Liban,

Constance revient sur sa mission de 6 mois au pays des cèdres.

Depuis les collines du monastère de sainte-Thècle, observant les pistes d’atterrissage de l’aéroport Rafic Hariri, je m’imaginais toujours la destination des avions qui prenaient leur envol. Ce matin, admirant cette vue pour la dernière fois, je réalise que dans quelques jours, la destination de mon avion me sera bien connue : Paris. Ce qui, pendant tous ces mois passés à Beyrouth, n’était qu’un simple divertissement, me plonge alors dans une profonde rêverie, me rappelant toutes ces expériences vécues au cours de ma mission.

Comment te raconter le Liban ? Tout ce que j’y ai vécu ? Tout te raconter serait fastidieux. Je ne connaissais rien sur le Proche-Orient, et pour être honnête, les seuls témoignages que j’avais entendu à propos de la vie dans cette région du monde étaient ceux de mon père qui rentrait toujours précipitamment de ses voyages professionnels en Egypte ou en Turquie. Mais étonnamment, c’est lui qui m’a conseillée de partir au Liban, convaincu des richesses que ce pays m’apporterait.

Alors, pour écrire ces mots et comprendre l’essence du pays des cèdres, je me suis plongée dans la philosophie du Libanais Amin Maalouf. J’ai arpenté les rues de la capitale en m’imaginant être le protagoniste de son œuvre « Le Roman de Beyrouth », qui explore la vie et l’histoire de cette ville à travers différents personnages et récits entrelacés. Je me suis imaginée la colère de Jeanne dans « Incendies », la tragédie de Wajdi Mouawad et j’ai voulu filmer toutes les scènes de vie que je rencontrais dans les rues à la manière de Tarek et sa caméra super 8 dans « West Beirut ».

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Mais toutes ces images, tous ces mots, aussi beaux et justes soient-ils, ne sont pas les miens et ne suffisent pas à décrire mon expérience. En réalité, ces mots ne suffisent surtout pas à décrire le Liban, ce pays où il se passe toujours quelque chose et qui ne cesse de nous surprendre par son imagination débordante.

Je me souviens notamment du passage à l’heure d’été qui a nécessité trois jours de négociations intenses avant d’être officialisé. Cette situation absurde a propulsé le Liban en tête d’affiche de tous les journaux télévisés. Il était étonnant et inédit de constater que deux fuseaux horaires différents coexistaient au même endroit, pour le plus grand bonheur de Benjamin, notre responsable des activités, qui avait alors du mal à organiser notre emploi du temps.

Dans la catégorie « situations exceptionnelles », je pourrais également évoquer les tremblements de terre ainsi que les élans de solidarité et de charité qu’ils ont engendrés. Bien qu’aucun dégât n’ait été à déplorer au Liban, les Libanais se préoccupaient les uns des autres et des personnes de leur quartier, s’informant avec bienveillance de l’éventuelle présence de proches dans les pays les plus touchés.

Également, comment ne pas évoquer ces soirées passées à sillonner les quartiers de Karm el zeytoun et Bourj Hammoud avec Ramy et Marie, respectivement le responsable des volontaires et la responsable des donations de SOS Chrétiens d’Orient, afin de visiter les familles dans le besoin.

Alors que les derniers rayons du soleil déposaient une teinte orangée sur les bâtiments, j’étais immergée dans l’atmosphère envoûtante des musiques orientales qui s’échappaient du poste de radio. Parfois, il nous arrivait de rencontrer quelques difficultés pour localiser précisément le lieu de résidence de la famille que nous souhaitions visiter, mais nous recevions alors l’aide de passants bienveillants qui nous indiquaient la direction à suivre à travers ce quartier densément peuplé.

Souvent, pour faciliter notre rencontre, les familles nous attendaient sur le balcon ou dans la rue. Alors, la plupart du temps, nous traversions des cages d’escaliers sombres et délabrées, et arrivions, essoufflés par les dizaines de marches montées, dans leur modeste appartement. En passant le seuil de la porte d’entrée, nous découvrions alors un nouveau décor, de nouveaux visages ainsi qu’une nouvelle histoire de vie. Il n’était d’ailleurs pas rare de faire la connaissance d’animaux de compagnie plus ou moins communs, comme des perroquets ou encore des tortues, ces derniers faisant à eux seuls toute l’animation.

Peu à peu, le lieu nous devenait familier. Au fil de la discussion et des questions posées, un lien de plus en plus fort et un certain attachement se créaient, me donnant alors envie de revoir ces familles. Je me souviens d’ailleurs de cette dame âgée qui me disait : « tout ce qui est intéressant se passe dans l’ombre, décidément. On ne sait rien de la véritable histoire des Hommes ». Je mesurais alors la chance que j’avais eue d’écouter leurs récits bien qu’ils fussent souvent difficiles à entendre.

Est-il réellement nécessaire de te décrire tous les débats que nous avons entamés avec les autres volontaires, sans jamais réellement les terminer, lorsque nous remplissions des sacs de nourriture dans les locaux de l’université Saint Joseph ? Les nombreuses discussions que nous avons eues avec Fabian et Sarko, les deux cuisiniers d’une association, cuisinant chaque jour des plats pour plus de 500 personnes, et que nous étions heureux de venir aider ?

Tu sais, ce qui m’a le plus marqué, ce sont tous ces jeunes que j’ai rencontrés au cours de ces six mois de mission. Aussi bien ceux engagés bénévolement dans d’autres associations que les élèves des écoles dans lesquelles nous intervenions, ou encore ceux rencontrés dans les monastères. Tous leurs sourires, leurs blagues, leurs traits d’esprit.

Parmi eux, je retiendrais particulièrement « Joufflu », un enfant atteint de surdité scolarisé à l’École Libanaise des Sourds et Aveugles, et qui manifestait toujours sa joie démesurée de jouer avec nous. Peut-être parce que nos sacoches faisaient pour lui office d’accessoires de mode avec lesquels il paradait fièrement pendant des heures. Il y avait aussi Stéphanie et Jad, deux élèves pour qui nous faisions du soutien scolaire. Stéphanie semblait ne jamais avoir de devoirs, du moins pas toujours, cela dépendait de son humeur. Je ne peux m’empêcher de me demander comment ces jeunes grandiront et m’imaginer à quoi ils ressembleront plus tard, intimement persuadée que je serai fière d’eux.

Alors, comme beaucoup d’anciens volontaires, je me dis qu’un jour sûrement, je retournerai au Liban, et lorsqu’on me demande « tu as aimé le Liban ? » je réponds avec la plus grande sincérité que oui, j’ai aimé. J’ai aimé ses couleurs, ses odeurs, sa population. J’ai aimé la manière dont il m’a fait évoluer et grandir. J’ai aimé découvrir l’histoire d’un pays dont je ne connaissais rien et qui m’inspire de plus en plus.

Dans mon témoignage de début de mission, je me rappelle avoir écrit que dès mes premiers instants à Beyrouth, j’avais voulu tout observer, tout écouter, m’empêchant de dormir en voiture pour ne rien perdre de l’essence de la capitale. Aujourd’hui, je peux dire que les bouchons beyrouthins auront eu raison de ma fatigue, mais que ma curiosité n’a jamais cessé, et même de retour en France, je veux continuer d’en apprendre sur ce pays qui m’a tant apporté.

Constance, volontaire au Liban

Votre responsablede pôle

Iseult Béchaux

Responsable des volontaires

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