Proche-Orient et Arménie : face à l’urgence, « chacun peut agir à son niveau »

Valeurs Actuelles

ENTRETIEN. Il est encore trop tôt pour évaluer précisément les conséquences humaines et matérielles des attaques du Hamas contre Israël et de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh, mais elles vont être considérables. Sans les dizaines d’ONG sur place, le bilan serait sans nul doute beaucoup plus lourd. Benoît de Blanpré, directeur d’Aide à l’Église en détresse (AED), et Benjamin Blanchard, directeur général et fondateur de SOS Chrétiens d’Orient, lancent un cri d’alarme. Et appellent aux dons.

Valeurs Actuelles. Quels sont les témoignages que vous avez reçus après les attaques du Hamas contre Israël et les dernières ripostes ?

Benoît de Blanpré. Dès les premiers jours, nous avons reçu des témoignages de nos partenaires de projets en Terre sainte. Comme le père Abu Khalil, à Jérusalem : « La situation aujourd’hui est très difficile. Je n’ai jamais vu cela depuis ma naissance. Seul Dieu peut changer le cœur et apporter la paix. » Comme sœur Nabila, religieuse du Saint-Rosaire, réfugiée dans la paroisse de la Sainte-Famille à Gaza avec 700 autres chrétiens : « Nous avons eu six guerres à Gaza. Les enfants ne connaissent que la guerre. Mais rester occupé et aider les autres est le meilleur moyen de faire face à la dévastation. Paix, paix, nous voulons juste la paix. Il y a tant de mal, tant de souffrance. C’est terrible. À l’heure actuelle, nous n’avons que Dieu. » Il y a quelques jours, elle nous disait encore qu’il n’y avait ni électricité ni eau courante. Ils ont eu recours à l’eau du puits pour boire et le prix de l’eau a triplé.

Arménie
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Comment agissez-vous face à cette détresse ?

B. de B. Nous sommes en contact permanent avec les communautés chrétiennes locales. Après les attaques du 7 octobre, nos bienfaiteurs ont immédiatement répondu à l’appel des chrétiens de Terre sainte à prier pour eux. Nous avons ensuite sollicité nos bienfaiteurs pour pouvoir envoyer une aide d’urgence de 190 000 euros afin de permettre aux familles chrétiennes de Terre sainte de survivre dans ce contexte de guerre. À Gaza, les chrétiens sous les bombardements tentent de survivre. Avec le peu qu’il leur reste, les religieux prennent soin de familles réfugiées dans la paroisse de la Sainte-Famille. Ils ont besoin d’eau, de nourriture, de médicaments, de couvertures et de carburant. ​

En Cisjordanie et à Jérusalem-Est, les chrétiens ne peuvent plus aller travailler et perdent leur emploi. À cause de la guerre, tous les checkpoints sont fermés. Le tourisme dans les Lieux saints s’est complètement arrêté, entraînant une perte totale de revenus pour les familles chrétiennes qui ne peuvent pas payer leur loyer : l’aide d’urgence leur permet d’éviter d’émigrer. En Israël, des chrétiens de différentes nationalités perdent les emplois les plus précaires en raison de la récession économique due à la guerre. Le patriarche latin de Jérusalem demande de ne pas oublier non plus ces chrétiens en Terre sainte.

Benjamin Blanchard. Deux grands périls menacent les communautés chrétiennes d’Orient : les persécutions et la misère. Généralement nées de déstabilisations politiques, elles débouchent sur l’éclatement du tissu socio-économique, la tentation de l’exil, l’affaiblissement du groupe et donc, dans le pire des cas, le risque de disparition. On peut y réagir par une action politique qui relève des États, bien sûr. Mais en attendant, chacun peut agir à son niveau, notamment par l’intermédiaire de SOS Chrétiens d’Orient, en accomplissant des actions plus modestes, mais concrétisables à court terme. Il est possible de devenir volontaire pour aider les chrétiens sur le terrain. Ou de soutenir financièrement SOS Chrétiens d’Orient pour nous permettre d’organiser des opérations d’urgence et des projets de long terme, comme la création d’écoles, d’hôpitaux, d’églises, de commerces, afin que les chrétiens vivent dignement sur leur terre.

Où se situent les autres besoins urgents dans le monde ?

B.B. Cela dépend, hélas, de l’actualité politique. Actuellement, l’effort porte sur les malheureux Arméniens chassés de l’Artsakh. Plus récemment, nous avons mené des opérations d’urgence pour les Ukrainiens, qui sont aussi des chrétiens d’Orient. Nous observons avec inquiétude l’évolution du conflit israélo-palestinien et ses éventuelles répercussions dans les pays voisins.

Il y a également des pays sortis de l’actualité médiatique mais où la situation est constamment dramatique, comme l’Irak, où les chrétiens sont au bord de la disparition ; l’Égypte, où les chiffonniers des bidonvilles sont victimes de la pauvreté ; le Pakistan, où les chrétiens sont parfois réduits en esclavage et régulièrement persécutés ; la Syrie, où la guerre a causé des dégâts effroyables ; le Liban ou l’Éthiopie, où les chrétiens ne sont pas persécutés mais où une terrible guerre civile l’an dernier et une misère endémique peuvent inciter à l’exil ou nécessitent un soutien constant.

B. de B. Nous apportons dans le monde entier une aide tant matérielle que spirituelle, surtout là où l’Église est persécutée, opprimée et matériellement démunie. Nous soutenons les Églises locales qui souffrent des conflits armés (guerre, djihadisme… ), comme en Ukraine ou dans les pays du Sahel. Ces violences entraînent des déplacements de population et l’Église prend en charge de nombreux réfugiés en leur offrant de quoi s’héberger, se nourrir, se soigner. Ces conflits engendrent de nombreux traumatismes et blessures. L’Église accompagne au mieux ces personnes vulnérables dans leur guérison physique et psychique.

Nous aidons aussi là où existe une persécution antichrétienne avec une montée du nationalisme ethnoreligieux (Inde, Pakistan). Là où les chrétiens souffrent de régimes autoritaires limitant la liberté religieuse (Birmanie, Chine, Nicaragua), de crises politiques entraînant le chaos (Haïti, Venezuela), de la violence liée aux cartels de la drogue en Amérique latine, de catastrophes naturelles (Mozambique, Syrie…).

Nous sommes profondément attristés par la situation des 120 000 Arméniens condamnés à fuir leurs terres du Haut-Karabakh lors de l’offensive de l’Azerbaïdjan. De plus, les menaces du président Aliyev d’attaquer le territoire souverain de l’Arménie, prétendant qu’une partie appartient à l’Azerbaïdjan, nous inquiètent terriblement.

B. B. Si chacun, à sa place, fait son devoir, de grandes choses peuvent être accomplies.

Votre responsable de pôle

Pauline Visomblain

Responsable des relations presse