« Les chrétiens de Syrie veulent

croire à l’avenir de Maaloula »

La Croix

Le P. Toufiq Eid, prêtre de la paroisse grecque catholique melkite de la ville chrétienne de Maaloula en Syrie, était en France jusqu’au 12 février.

 

Il est venu sensibiliser au sort des chrétiens de Syrie alors que petit à petit la vie reprend son cours presque normal à Maaloula, depuis sa libération par l’armée syrienne en avril dernier.

 

Le P. Toufiq Eid, moine de l’Ordre basilien salvatorien, est le curé de la paroisse grecque catholique melkite depuis 2011 et le prieur du monastère grec-catholique des Saints-Serge-et-Bacchus.

 

Il était à Paris quelques jours pour sensibiliser les Français à la situation difficile que rencontrent les Syriens et surtout ceux de sa ville Maaloula, distante de 57 kilomètres de Damas au nord.

SYRIE
Type d'intervention

« C’est un homme qui a la foi chevillée au corps », explique Frédéric Pichon, chercheur associé à l’université de Tours, qui le connaît depuis longtemps. Libanais d’origine, issu d’une famille modeste d’un village situé au-dessus de Saïda, il a fait son petit séminaire à Rome. Il parle quatre langues : français, italien, anglais et arabe.

 

Ce prêtre est décrit comme très proche des habitants de Maaloula, peuplée d’environ 2 000 personnes l’hiver, principalement des agriculteurs et des petits commerçants, et de près de 10 000 résidents l’été avec l’arrivée de ceux qui y possèdent des maisons de famille.

 

La ville comptait avant la guerre civile en Syrie une majorité de chrétiens (dont environ 60 % grecs-catholiques et 40 % grecs-orthodoxes) et un tiers de musulmans.

40 % de la population est revenue depuis la libération de la ville

La rébellion syrienne a occupé la ville de septembre 2013 à avril 2014 et la population avait fui. Selon le prêtre, « 313 habitations sur près de 1 400 ont été touchées par les combats » ou par les pneus remplis d’explosifs que lançaient les rebelles du haut de la colline, causant des dégâts considérables aux habitations.

 

Le P. Toufiq assure que 40 % de la population est revenue depuis que la ville a été libérée le 14 avril, ainsi que sept à huit familles musulmanes. « Tous les musulmans ne reviendront pas car beaucoup ont trahi les chrétiens quand les islamistes se sont emparés de la ville », déplore le prêtre. « La société est blessée, il est difficile de reprendre la vie comme avant. Nous avons vécu huit mois de déplacement pendant lesquels on a tout perdu, y compris la mémoire historique ».

 

Les islamistes se sont en effet particulièrement attaqués aux édifices religieux, couvents et églises. Douze religieuses du Monastère de Saint-Thècle, avaient été enlevées et conduites à Yabroud, avant d’être libérées au début du mois de mars 2014, en échange de la libération de 150 prisonnières détenues par le régime de Damas.

Escale à Béziers, ville jumelée avec Maaloula

 « Aujourd’hui, beaucoup d’habitants sont encore exilés dans la capitale syrienne, mais souhaitent rentrer dans leur village, précise le P. Toufiq. Près de 350 familles ont déjà retrouvé leur domicile de façon pérenne. Pour les autres, il faudra patienter encore un peu. Le temps que l’on reconstruise les habitations. » 

 

Pendant son court séjour en France, le P. Toufiq a fait une escale à Béziers, ville jumelée avec Maaloula depuis octobre 2014. Il a aussi été reçu au Quai d’Orsay pendant plus d’une heure et demie par l’ambassadeur français auprès de la coalition syrienne, Franck Gellet, et par Jean-Christophe Peaucelle, conseiller pour les affaires religieuses au Quai d’Orsay. 

 

Le P.Toufiq a demandé à la France d’intervenir auprès du Qatar pour que Doha obtienne la libération de sept jeunes chrétiens de Maaloula, kidnappés par Daech (acronyme arabe de l’Etat islamique) en avril 2014.

Des groupes islamistes isolés

Si les combats ont cessé autour de Maaloula, où l’ensemble de la région du Qalamoun est désormais sous le contrôle de l’armée et des combattants du Hezbollah libanais (qui soutient le gouvernement de Bachar al Assad), il reste des groupes islamistes isolés. « La rébellion est partout, confie le prêtre, mais les conditions font qu’il est désormais possible de retourner à Maaloula. »

 

La ville était connue dans tout le Proche-Orient pour la ferveur et la solennité avec lesquelles elle célébrait le 14 septembre, la fête de l’Exaltation de la Sainte-Croix. De grands feux étaient allumés sur les collines et les habitants et les visiteurs, chrétiens ou musulmans nombreux à venir en période de paix, étaient invités à de grands dîners après les cérémonies religieuses.

A Maaloula, on célèbre les messes en araméen

Maaloula est l’un des derniers endroits où l’on célèbre les messes en araméen, la langue du Christ. Outre de nombreux couvents et églises, elle doit sa renommée à ses refuges troglodytiques datant des premiers siècles du christianisme.

L’église paroissienne Saint-George a été réparée grâce à des fonds recueillis par l’association SOS Chrétiens d’Orient. L’école a rouvert ses portes et accueille de nouveau ses élèves. « Mais les professeurs manquent, même si le pouvoir à Damas fait tout son possible pour que les enseignants puissent reprendre leurs cours. »

 

Le 15 mars prochain, le conflit syrien entrera dans sa quatrième année avec plus de 250 000 morts. Le pays est totalement désorganisé et le gouvernement syrien ne contrôle plus l’ensemble du pays. « Notre espoir en l’avenir est basé sur la foi chrétienne », rappelle le Père Toufiq. Mais il reste très préoccupé par l’hémorragie des Chrétiens du Moyen-Orient : « Comment ne pas désespérer alors que la solution au conflit est encore très loin ? »

Article écrit par Agnès Rotivel

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