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Les associations humanitaires débordent de projets

France Armenie

Lors de notre voyage en Arménie, nous avons rencontré plusieurs associations humanitaires. Parmi les représentants de SOS Chrétiens d’Orient, le géopoliticien Corentin Clerc nous a présenté sa mission. Installé à Erevan depuis le conflit d’octobre avec sa jeune épouse Camile, il nous parle de leurs projets. Omniprésents à Stépanakert, Gorisou Gumri, ces jeunes missionnaires ne cessent d’aider les populations afin de leur permettre de redresser l’activité économique du pays et de rester sur leurs terres.

 

France Arménie : Quand a été créée la mission arménienne de SOS Chrétiens d’Orient ?

 

Corentin Clerc : Elle date d’octobre 2020 mais notre structure humanitaire est présente depuis 2013 auprès des chrétiens de Syrie, d’Irak, du Liban, d’Égypte et de Jordanie.

Arménie
Type d'intervention

Quels sont vos grands objectifs ?

 

Il y en a trois : en premier nous voulons aider les chrétiens d’Orient pour les encourager à rester sur leurs terres ances- trales. Ensuite, il faut renforcer les liens qui existent entre la France et les chrétientés orientales. Enfin, nous souhaitons communiquer sur ce qui se passe dans ces pays afin de sen- sibiliser l’opinion publique. Nos axes de travail sont simples : la reconstruction, le médical, l’éducation et le développement économique.

 

Comment êtes-vous devenu responsable du pôle Arménie ?

 

A la base, je suis titulaire d’un master de géopolitique. Après une première expérience dans un cabinet de recrutement, j’ai eu besoin d’action. Mon tempérament m’a ramené auprès de SOS Chrétiens où j’avais fait un stage. Entretemps, je me suis marié et avec mon épouse on a pris la décision de partir ensemble en mission en guise de voyage de noce. La mission arménienne devait s’ouvrir en juillet 2020 mais à cause du Covid, tout a été décalé pour octobre. On est donc arrivé en Arménie en plein conflit !

On avait prévu d’aller travailler à Gumri auprès de familles qui vivaient dans les domiks [Ndlr. conteneurs] mais l’actualité a complètement dévié notre projet. On s’est retrouvés à Goris en pleine guerre à faire de l’aide d’urgence en distribuant aux populations tout ce qu’on pouvait collecter : nourriture, vêtements, bois de chauffage, gazole… Dès le 1er octobre, on a aussi fourni du matériel médical à l’hôpital de Stépanakert.

 

Parlez-nous de votre équipe en Arménie.

 

Les premiers volontaires nous ont rejoints fin octobre 2020. Parmi eux, il y avait des Français, un Brésilien, un Suisse, un Belge… Depuis l’ouverture de la mission, plus de 45 personnes sont passées. En ce moment, nous tournons à 25. Nous avons trois antennes : Goris, Erevan et Gumri. Ce sont des centres de vie à partir desquels on rayonne sur toutes les régions.

 

Comment évolue votre mission ?

 

Jusqu’en mars, nous nous sommes concentrés sur de l’aide d’urgence via les soins et les dons aux déplacés. Ces types de besoins s’amoindrissent heureusement, ce qui nous permet à présent de nous concentrer sur le développement économique de l’Arménie. Nous sommes convaincus que la seule façon de permettre aux Arméniens de rester dans leur pays repose sur un travail pour les parents et une éducation pour les enfants.

 

Quels sont les projets en cours ?

 

On a installé un centre de couture à Goris. Notre association a offert des machines à coudre à la ville et financé le salaire d’une formatrice. C’est un projet que nous allons dupliquer à Gumri, Erevan et dans les villages. Nous travaillons également sur un atelier de tapis à Artaschen. Nous investissons dans les machines, rénovons les lieux et fournissons un formateur. On espère que l’atelier devienne autonome en trois mois afin que chacun puisse bénéficier d’un salaire.

Nous donnons aussi du bétail à des paysans qui ont perdu leurs bêtes parce qu’ils ont été chassés de l’Artsakh. L’idée est de fournir des lapins, des poules et des porcs à la place de bovins car il n’y a plus assez de pâturage.

Dans la région du Siounik, on a prévu d’aider les agriculteurs à irriguer leurs champs et avec le Fonds Arménien de France, on a contribué à un projet de plantation d’arbres fruitiers : un arbre donne un mois de salaire à un paysan, en fournissant 4-5 arbres par famille on apporte un minimum de ressource et on les enracine à leur terre afin qu’ils ne la quittent pas.

 

Des projets de plus grande envergure sont-ils en prévision ?

 

Nous souhaitons renouveler le parc de l’imprimerie d’Etchmiadzine. D’une part, pour permettre aux salariés de conserver leurs emplois car l’imprimerie menace de fermer faute de rendement, et d’autre part pour aider à la diffusion de la culture arménienne. Notre association est très attachée à cette dimension culturelle.

Nous finançons également l’achat d’un scanner pour le centre cardiologique de Goris ; ce projet va permettre de soigner beaucoup plus efficacement les maladies cardiaques qui sont une des premières causes de mortalité locale.

Nous travaillons avec Michel Davoudian qui veut créer une école maternelle à Gumri afin de permettre aux enfants des domiks d’avoir une éducation gratuite. Pour éviter la marginalisation de ces jeunes, il envisage une école avec trois repas par jour, des infirmières, des psychologues et un accompagnement pour les parents ! Pour l’instant, il y a de multiples parrainages. Si les fonds suivent, l’école a prévu d’ouvrir cet automne.

 

Quels sont vos projets en Artsakh ?

 

C’est assez particulier. Dans le conflit du Haut-Karabagh, SOS Chrétiens d’Orient a clairement pris le parti de l’Arménie face aux Azerbaïdjanais. On ne pouvait pas rester neutres dans cette histoire. Nous soutenons les Arméniens non seulement parce qu’ils sont chrétiens mais parce qu’ils sont dans leur bon droit et que les Turcs les spolient.

On veut donc intervenir en Artsakh mais c’est une zone rouge. Par sécurité, je m’y rends seul avec un de mes collaborateurs arménien. On n’envoie pas de volontaires pour l’instant. D’ail- leurs, c’est très compliqué d’y accéder car les demandes de visas se font au compte-goutte.

Nous espérons pouvoir développer l’élevage de poulets et des donations d’arbres fruitiers à des familles. Dans le village de Bertachen à la frontière, nous prévoyons de reconstruire une portion de route et l’église endommagée ; nous travaillons aussi sur un projet de vignobles dans la région de Martuni en proposant de nouveaux plants et en faisant construire une usine de pressage et d’embouteillage ; nous espérons pouvoir mener ces projets à bien malgré l’actualité politique. Énormément de terres ont été perdues en Artsakh. Si l’on compte les zones tampons cela dépasse les 82% sachant qu’elles contiennent les pâturages, une grande partie des cours d’eau et des terres exploitables. Il faut donc se rabattre sur les terres qui existent encore pour relancer l’économie !

 

Vous sentez qu’il y a une reconnaissance de la part des villageois et des déplacés ?

 

Les Arméniens sont pudiques mais nous avons mis en place de belles amitiés. Ils sont reconnaissants dans leurs sourires et leurs poignées de mains. Quelque chose de fort s’est créé avec cette mission. Il faut dire qu’on est sans cesse sur le terrain et auprès des gens pour capter leurs besoins.

Par rapport à d’autres associations, notre suivi se fait semaine par semaine, on n’a pas de risque de voir les fonds financiers disparaître car on fait tout nous-mêmes : on va dans les villages, on voit si les paysans arrosent leurs vignes. Pour la scolarisation des enfants, on paye directement l’école ; pour des gens qui sont dans le besoin, on règle leurs factures d’électricité, on paye aussi des loyers pour qu’ils puissent rester en Arménie au lieu de migrer. Pour éviter toute fuite de capitaux, on ne donne jamais d’argent directement, on achète tout : le matériel, les arbres, le carburant, les ruches…

 

Avez-vous une action par rapport aux soldats ou à l’armée ?

 

On ne mène aucune action purement militaire, par contre on fait des dons de vêtements chauds et de compléments alimentaires, notamment aux soldats volontaires qui gardent les frontières de l’Artsakh. Ces groupes d’autodéfense sont étonnants.

 

A titre personnel, qu’est-ce qui vous plaît en Arménie ?

 

Par-delà les paysages, les monastères millénaires et l’accueil des Arméniens, je suis impressionné par l’unité et la cohésion de ce peuple. L’Arménie doit être un pays modèle pour l’Occident car elle a de vraies convictions. Les Arméniens savent qui ils sont. Ils connaissent leur ennemi, le nomment et le com- battent. Ce doit être une source d’exemple pour les Français. Une des missions de notre association est de former une génération de jeunes qui ne prennent rien pour acquis : ce n’est pas parce que ça fait 2000 ans que l’on est sur une terre qu’on est en sécurité aujourd’hui. Il faut comprendre sur quoi repose l’ADN d’un pays et y croire

Article écrit par Florence Gopikian et Lydia Kasparian

Votre responsablede pôle

Jeanne der Agopian

Directrice de la communication adjointe