Jean-Rémi, chef de mission SOS Chrétiens d'Orient en Syrie « La priorité, c’est de chercher de la nourriture »

L'Incorrect

Un séisme de magnitude 7,5 a frappé ce lundi 6 février le sud-est de la Turquie et le Nord de la Syrie. Les pertes humaines et matérielles sont considérables. Jean-Rémi Méneau, chef de mission pour SOS Chrétiens d’Orient est sur place. Entretien.

Où vous trouvez-vous précisément en Syrie ?

Pendant la nuit, lorsqu’il y a eu le tremblement de terre, j’étais à Alep. Je suis descendu à Damas pour mettre ma famille et les volontaires en sécurité et je repars de bonne heure demain matin à Alep.

Comment avez-vous vécu ce séisme ?

À titre personnel, je dormais. Ma femme m’a réveillé et j’ai tout de suite senti que le lit tremblait. Je n’ai pas mis plus de deux secondes à comprendre qu’il s’agissait d’un tremblement de terre parce qu’on avait déjà eu des secousses similaires en décembre. De plus, ces dernières semaines il y en a aussi eu quelques-uns. On s’attendait plus ou moins à ce que ce genre d’évènement se produise, sans en être certains car on ne peut jamais vraiment prévoir un tremblement de terre.

On a sauté du lit, ma femme a récupéré ma fille et nous sommes directement allés nous mettre à l’abri sous une table dans le salon. Le tremblement a duré une bonne minute et des fissures sont apparues sur les murs. Quand cela s’est arrêté, nous avons décidé de rester à l’abri pour s’assurer que le tremblement ne reprenne pas. Justement, deux petites minutes plus tard, les tremblements ont repris, plus doucement cette fois-ci.

À ce moment-là, on entendait les voisins commencer à quitter leurs appartements pour se réfugier dans la rue. On a suivi le mouvement, en prenant quelques affaires en urgence comme nos manteaux et nos papiers d’identité. Nous nous sommes retrouvés dans la rue avec tout le monde en évitant d’être en danger si l’immeuble s’effondrait.

On y est resté deux ou trois heures dans le froid et sous la pluie. Il y avait des centaines de personnes dans la rue. Il y avait également beaucoup de trafic car de nombreuses voitures essayaient de quitter la ville.

En ce qui concerne les volontaires de SOS Chrétiens d’Orient, ils étaient dans l’appartement des volontaires, au troisième étage d’un immeuble. Ils ont donc bien ressenti les tremblements. Ils nous ont rejoints à notre point d’évacuation lorsque l’immeuble était en sécurité. Un chauffeur est venu nous chercher vers 8 heures du matin pour les évacuer et les mettre en sécurité.

SYRIE
Type d'intervention

Quel est le bilan provisoire en Syrie ?

Nous avons les chiffres du ministère de la Santé, qui font état de 430 morts et 1315 blessés dans le pays, dans les zones gouvernementales. Si l’on inclut les zones qui ne sont pas contrôlées par le régime, on en est déjà à plus de 600 morts. Le bilan risque de s’alourdir et on ne compte pas la Turquie.

Que fait le pouvoir en place pour aider les populations ?

Nous sommes dans un pays qui sort d’une guerre de dix ans et a donc perdu beaucoup de moyens. Ils ne sont pas aidés non plus par les sanctions internationales qui les bloquent sur tous les sujets.

Les pompiers et des ambulances ont pris le relais pour apporter du soutien aux blessés. Ils ont annoncé que les écoles vont être fermées jusqu’à la fin de la semaine pour ne pas prendre de risque et ne pas rajouter de la catastrophe à la catastrophe.

De plus, tous les spécialistes participent à l’enlèvement des décombres pour essayer de retrouver des personnes en vie. Ils espèrent encore mais plus les heures passent et plus le nombre de morts sera élevé. Le pouvoir en place a fait une réunion pour essayer de trouver des solutions mais ça semble compliqué. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais il me semble compliqué de prévoir des séismes à l’avance.

Quel rôle peut et veut jouer SOS Chrétiens d’Orient après cette catastrophe naturelle pour venir en aide aux populations sinistrées ?

Jusque-là, on faisait des évaluations d’urgence pour voir quels étaient les besoins. On contactait les différents centres qui accueillent les personnes déplacées ne pouvant pas rentrer chez eux.

D’après nos premières informations, les besoins dans les 24/48h qui arrivent sont des matelas, des couvertures, de la nourriture, de l’eau potable et des médicaments parce que toutes les personnes dans le besoin se sont réfugiées dans les églises et les écoles mais il n’y a rien pour les accueillir. Ils n’ont rien et ont besoin de tout. La priorité, c’est de chercher de la nourriture car les gens n’avaient pas mangé depuis la veille au soir. Avec SOS Chrétiens d’Orient, nous partons à Alep pour continuer cette évaluation et commencer à mettre en place des donations d’urgence pour ces personnes dans le besoin.

Dans un second temps, on va commencer à faire l’évaluation des bâtiments de nos bénéficiaires qui sont détruits partiellement ou de manière plus importante pour qu’on puisse mettre en place des réparations. On vise principalement les portes et les fenêtres car l’hiver s’annonce de plus en plus rude en cette période de l’année. J’aimerais aussi évoquer le décès d’un prêtre dont on était assez proche, le père Imad Daher, à la suite de l’effondrement d’un bâtiment. Il a été retrouvé sans vie sous les décombres. C’est l’une des histoires tragiques de ce séisme. On est très triste car c’était un homme très bon.

 

Propos recueillis par Wandrille de Guerpel

Votre responsable de pôle

Pauline Visomblain

Responsable relations presse