Il libère les chrétiens esclaves au Pakistan

L'Homme Nouveau

Au Pakistan, l’esclavage existe encore. De nombreux pauvres pakistanais, n’ayant pas les moyens de se loger, sont au service de propriétaires terriens qui les exploitent contre un salaire de misère et un abri. Face à cette réalité qui touche bon nombre de chrétiens, le père Parvez curé de la paroisse de Pansara, a lancé un appel à la solidarité afin de l’aider à libérer ces esclaves et leur fournir un toit.

 

L’association SOS Chrétiens d’Orient a répondu présent et aide depuis le mois de janvier 2017. Ils ont permis la construction de deux églises, l’acquisition d’un terrain afin de réaliser un villages pour les chrétiens et les sortir d’une situation de dépendance (esclavagisme économique). Ils ont également financé 25 maisons à Karachi et Faisalabad ainsi qu’un centre éducatif pour la jeunesse. Le père Parvez étant de passage à Paris, nous avons fait un point avec lui sur la situation du Pakistan et des chrétiens sur place. 

Pakistan
Type d'intervention

Père Parvez, vous êtes prêtre au Pakistan, vous êtes déjà venu deux ans auparavant en France. Quelle est la situation actuellement dans votre pays ? 

Le Pakistan a un nouveau gouvernement qui goûte au pouvoir pour la première fois. Notre Premier ministre, Imran Khan, qui est un ancien joueur de cricket international, semble être vraiment honnête. Il veut renforcer le Pakistan, en éliminant beaucoup de problèmes comme la corruption. La corruption est ce qui a envoyé notre précédent président et son Premier ministre en prison. 

Ce nouveau gouvernement essaye de créer un Pakistan maître de son territoire. Il veut faire payer l’impôt à beaucoup de ceux qui n’en ont jamais payé. À cause de cette imposition, beaucoup de Pakistanais ne l’aiment pas. L’inflation a augmenté la crise du Pakistan, la valeur de notre devise est en baisse. Tout devient très cher, spécialement le pétrole, les légumes, etc. Nous sommes dans un nouvel état d’urgence. Le Premier ministre a beau vouloir améliorer les choses, beaucoup d’obstacles l’en empêchent. 

 Il y a une évolution positive pour les chrétiens ?

Pour les chrétiens le nouveau gouvernement est aussi une amélioration. Lorsqu’Asia Bibi a été relâchée, tous les chrétiens se sont réjouis. Même s’il y a eu des manifestations de la part de fanatiques, le gouvernement est intervenu et le Premier ministre a dit à la télévision qu’elle avait été reconnue « non coupable », qu’elle est innocente, que la cour a rendu cette décision et qu’il faut donc respecter cette décision. Parmi les manifestants qui voulaient s’élever contre cette décision, certains ont été mis en prison. Le gouvernement a la situation bien en main. 

Asia Bibi est désormais libre, en sûreté avec sa famille. Pour les chrétiens c’est une avancée d’avoir été défendus par le gouvernement. 

 Nous connaissons tous Asia Bibi, mais y a-t-il d’autres Pakistanais en prison pour les mêmes raisons ? 

Oui, il y en a. Pour nous, prier Dieu en public est vraiment dangereux. La loi sur le blasphème est fréquemment invoquée de façon abusive. Ils nous accusent d’idolâtrie pour enfermer des chrétiens en prison. Il y a aussi des Pakistanais musulmans contre lesquels la loi sur le blasphème est également invoquée. Mais lorsqu’il est question d’Islam, seul l’individu fautif risque des sanctions. Pour les chrétiens, ce n’est pas la famille qui est en danger, mais tous les chrétiens du Pakistan. Les fanatiques peuvent détruire nos maisons, nos églises, nos écoles… 

 Qu’espérez-vous de nous, de l’occident, de notre pays ?

Je pense que les Français peuvent prier pour nous, alerter sur notre sort et parler au gouvernement pakistanais. Le mettre sous pression pour que cette loi anti-blasphème soit au moins modifiée. Ils n’ont jamais essayé de punir les faux accusateurs. Si quelqu’un m’accuse de blasphème demain, et qu’il s’avère que c’est faux, il devrait être condamné, ce n’est pas le cas aujourd’hui. La loi devrait être modifiée parce qu’elle est systématiquement utilisée contre les minorités. Pour nous c’est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de notre tête, ils peuvent accuser n’importe qui, n’importe où, n’importe quand. 

 Quelle mission remplissez-vous au Pakistan ? 

Je suis prêtre, ma première mission est de m’occuper des chrétiens de ma paroisse. Ma paroisse est composée d’énormément de pauvres gens. Beaucoup de fabricants de briques, d’agriculteurs. Ils travaillent énormément à un stade qui est de l’esclavage. Beaucoup de mes paroissiens n’ont pas leur propre maison et sont donc à la merci de leurs propriétaires. Dans ces circonstances vous pouvez être renvoyé du jour au lendemain. Dans cette paroisse, ma grande mission consiste donc à créer un nouveau village, acheter des terres et construire des maisons pour ceux qui n’en ont pas. Construire une église, des écoles pour enseigner les enfants. C’est un très grand projet que j’ai engagé. Pour le moment, 65 familles ont trouvé 65 maisons. Leurs enfants vont à l’école et ils travaillent pour leur propre compte. 

Après mon rôle de curé de paroisse, l’administration des sacrements, j’ai donc cette mission d’un village pour les familles pauvres. J’ai été professeur j’essaye de transmettre ce que j’ai pu apprendre. 

J’essaye aussi de réunir tous les ans toutes les équipes de football du Pakistan, afin de jouer et dialoguer ensemble entre hindous, musulmans, chrétiens, etc. Je souhaite une ambiance d’harmonie, de fraternité, de tolérance. En plus de partager les mêmes repas, ils ont des activités communes tous les soirs pendant une semaine. Je m’occupe de l’intendance.

 Est-ce qu’un dialogue apaisé est possible entre les différentes religions du Pakistan ? 

Cela dépend de la nature de la discussion. Nous devons trouver des ponts qui nous permettent de communique. Le sport en est un bon exemple tout le monde aime le sport. La musique également. Planter des arbres ensemble aide également. Le dialogue est possible lorsque vous avez des besoins communs et sur des choses simples par exemple l’accès à l’eau. Lorsqu’il s’agit de savoir qui est prophète, qu’elle est la plus grande religion… Le dialogue devient impossible. 

 L’évangélisation vous semble-t-elle possible ?

Actuellement non, mais par l’école il y a sûrement des possibilités. Dans mes écoles une grande partie des enfants scolarisés est musulmane. À l’école nous avons la possibilité de parler de l’évangile, à travers l’art, des tableaux, du théâtre. Cette sorte d’évangélisation est envisageable et possible. Mais l’évangélisation directe est impossible. 

Que faites-vous en cas de conversions ? 

C’est extrêmement dangereux. Les musulmans convertis ont des problèmes d’abord avec leurs familles. Je connais un musulman qui a voulu se convertir et en l’apprenant sa famille a voulu le tuer. Il a donc dû s’enfuit d’une ville à une autre. Nous nous sommes rencontrés dans un train, il m’a dit toujours vérifier derrière lui que sa famille ne soit pas là. Les musulmans pensent que l’Islam est insulté à chaque conversion d’un musulman. Si un musulman vient me voir pour se convertir, je suis également en danger, c’est donc très difficile. 

 Voyager en France est-il dangereux pour vous ? 

Ce n’est pas dangereux, la plus grande difficulté est l’obtention du visa. Mais grâce à mes études en Italie, ce n’est pas trop compliqué pour moi. Bien sûr, il ne faut pas que je dénigre le Pakistan, mais c’est mon pays, je ne l’ai jamais fait. 

 Concernant les vocations religieuses au Pakistan, en avez-vous ? Sont-elles nombreuses ? 

Oui nous avons des vocations. Ce n’est pas trop ou pas assez, c’est suffisant pour le nombre de chrétiens que nous avons au Pakistan. Nous avons des séminaristes ce qui est rassurant pour les années à venir.

 

Odon de Cacqueray

Votre responsable de pôle

Jeanne der Agopian

Directrice de la communication adjointe