Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Églises saccagées, croyants massacrés, reliques pillées… Plaidoyer pour que les chrétiens d'Orient ne soient pas oubliés

Valeurs Actuelles

Alors que les chrétiens du monde entier viennent de fêter Noël, le professeur d’histoire Kevin Bossuet appelle à ne pas oublier les chrétiens d’Orient, victimes d’exactions depuis trop longtemps.

De Rome à Rio de Janeiro en passant par Varsovie ou encore Jérusalem, les chrétiens du monde entier ont célébré, ce 25 décembre, Noël dans la joie, le partage et l’ouverture aux autres. A Bethléem, en Cisjordanie, des centaines de fidèles, en provenance des quatre coins de la planète, se sont par exemple massés autour de la basilique de la Nativité afin de fêter ce jour si particulier pour eux. Pour beaucoup de pèlerins venus fêter la naissance de Jésus à l’endroit même où, d’après la tradition chrétienne, il est né, ce moment fort et unique restera assurément à jamais gravé au plus profond de leur foi, au plus profond de leur cœur. Bon nombre d’entre eux, venus d’Occident, ont d’ailleurs profité de leur déplacement dans ce lieu si symbolique pour accompagner dans la prière toutes ces communautés chrétiennes d’Orient qui continuent, dans l’indifférence quasi-générale, à être persécutées et qui n’ont donc pas pu célébrer Noël dans de bonnes conditions.

SYRIE
Type d'intervention

À Erbine, il ne reste plus que 5 chrétiens, sur les 3000 que comptait la ville avant la guerre

En effet, par exemple, dans la ville syrienne d’Erbine, reconquise il y a quelques mois par le régime de Bachar el-Assad, c’est avec une certaine désolation et dans une ambiance quasi-apocalyptique que les quelques chrétiens encore présents sur place ont passé Noël. Alors qu’avant la guerre la ville comptait environ 3000 chrétiens, ils ne sont plus aujourd’hui que cinq. Les maisons ont été démolies, l’église a été saccagée, la plupart des icônes ont été détruites et les croix ont été brisées. C’est bien une atmosphère complètement chaotique qui surplombe encore aujourd’hui cette partie du territoire syrien. A Ankawa, en Irak, c’est le désespoir qui a plané au-dessus de la tête de ces dizaines de réfugiés chrétiens qui ont passé la fête de la Nativité loin de leur maison. Complètement délaissés par le gouvernement irakien et terrifiés par un avenir qu’ils jugent incertain, c’est dans l’angoisse et la détresse qu’ils ont essayé de retrouver une certaine vigueur morale, guidés par leur foi qui les rend toujours plus forts, qui les rend toujours plus solidaires. Tous n’ont finalement qu’un seul désir : revenir dans leur ville ou leur village, reconstruire leur maison et leur église, et vivre de nouveau en paix.

Il est vrai que le futur s’annonce bien incertain pour tous ces chrétiens qui sont, depuis plusieurs années, contraints de fuir leurs terres pour rejoindre un Occident au sein duquel ils ne trouvent souvent pas leur place ou pour se réfugier dans des régions limitrophes où ils vivent, la plupart du temps, dans une extrême précarité. Alors qu’au début du XXe siècle, au Moyen-Orient, un habitant sur quatre était de confession chrétienne, les chrétiens représentent aujourd’hui environ 3 à 4 % de la population totale. Cette hémorragie démographique est d’autant plus inquiétante qu’elle est devenue complètement endémique. En Irak, par exemple, on estime, au cours des trois dernières décennies, à environ 80 % le nombre de chrétiens qui ont dû quitter le pays. Alors qu’ils étaient 1.2 million dans les années 80, ils ne sont plus aujourd’hui que 300 000 environ.

Un véritable génocide

C’est bien, n’ayons pas peur des mots, un véritable génocide dont ont été victimes tous ces chrétiens qui ont d’abord et avant tout été persécutés et chassés pour ce qu’ils sont et par rapport à ce à quoi ils croient. Le but de ces islamistes qui sont, au Moyen-Orient, d’abord et avant tout des groupes terroristes génocidaires, est bien de faire disparaître toute trace de la présence des chrétiens dans la région. Les églises ont été détruites, les écritures ont été brûlées, les croix ont été abattues, les autels ont été cassés, les statues de la Vierge ont été décapitées et les prêtres ont été tués. Tout devait disparaître, tout devait être annihilé, tout devait être épuré ; à mort la civilisation chrétienne, place à l’islam le plus radicalisé !

Tous ces crimes et l’exode qui s’en est suivi ont effectivement largement contribué à effacer la présence de la civilisation chrétienne à l’endroit même où elle est apparue. Le risque majeur qui menace aujourd’hui l’Orient, est bien, à terme, la disparition définitive des minorités chrétiennes et donc de leur identité et de leur culture. En outre, ces dernières, qui jouent, sur ces territoires majoritairement musulmans, un rôle essentiel de médiation entre les différentes communautés religieuses, risquent d’entraîner dans leur chute tout espoir de paix et de stabilité. En effet, porteuses de valeurs comme la tolérance, le progrès, la liberté ou encore le vivre ensemble, elles constituent un solide rempart face à la montée du fanatisme et de l’intégrisme. Leur extinction définitive serait complètement dévastatrice pour cette région du monde qui devrait alors faire face à un funeste repli communautaire et identitaire musulman, débouchant sur des tensions majeures enflammant encore un peu plus un territoire déjà bien amoché par les conflits existants.

L’espoir renaît peu à peu, mais il faudra beaucoup de temps pour que la stabilité revienne

C’est bien pour cela qu’il faut tout faire pour aider ces chrétiens à rester ou à revenir sur leurs terres. Dans la plaine irakienne de Ninive, à Qaraqosh, par exemple, alors que la ville était à l’été 2017 complètement dépeuplée, les commerces, les écoles et les hôpitaux ont aujourd’hui réouvert, de nombreuses maisons ont été reconstruites, et près de 5000 familles, protégées par une milice chrétienne très active, y vivent tant bien que mal. L’espoir renaît donc peu à peu, mais il est évident qu’il faudra beaucoup de temps à ces familles avant de retrouver une forme de stabilité et d’apaisement. Même si dans la région l’organisation terroriste Daesh en tant que force quasi-étatique a été détruite, elle constitue toujours une menace, notamment à travers les attentats qu’elle continue de perpétrer.

Les conditions sont en effet loin d’être réunies pour espérer un retour massif de ces chrétiens dans leur ville ou leur village d’origine. En Irak, par exemple, les chrétiens continuent très largement d’être considérés comme des citoyens de seconde zone. Beaucoup ont peur de revenir, de retrouver ceux qui les ont dénoncés à Daesh et de regagner des territoires au sein desquels l’islamisme n’a cessé, au cours de ces dernières années, de progresser. De plus, le coût des reconstructions est colossal ; pour l’Irak seulement, il est par exemple estimé à plus de 200 millions de dollars. Autant dire que la tâche est aujourd’hui immense !

Il est essentiel de soutenir les associations humanitaires présentes sur place

C’est pour cela qu’il est essentiel de continuer à venir en aide aux chrétiens d’Orient, notamment à travers les associations humanitaires comme l’Oeuvre d’Orient, Fraternité en Irak, Béthanie-Lumières d’Orient ou encore SOS Chrétiens d’Orient. Les besoins financiers et logistiques sont considérables et la stabilité de ces territoires revêt un enjeu majeur pour la survie de ces populations. La dimension morale joue également un rôle fondamental. Il faut tout faire pour que ces derniers ne se sentent pas abandonnés et pour qu’ils aient le courage de continuer à résister, de continuer à avancer. Plus que jamais, ils ont besoin de nous ! Alors n’hésitons pas à donner un peu d’argent pour aider à la reconstruction, à donner un peu de notre temps en s’engageant dans une association, ou à parler encore et encore du sort de ces gens. Car comme le dit très bien le pape François : « L’avenir, c’est à toi de le faire, avec tes mains, avec ton cœur, avec ton amour, avec tes passions, avec tes rêves. Avec les autres. »  Alors oui, construisons avec les chrétiens d’Orient leur avenir, construisons avec eux notre avenir, c’est-à-dire celui d’un monde meilleur au sein duquel plus aucun chrétien n’aura peur de brandir la croix qui porte en elle le message de l’espérance et de la résurrection.

Un article de Kevin Bossuet

Votre responsablede pôle

Jeanne der Agopian

Directrice de la communication adjointe