Chrétiens d’Irak :

le refus de l’exode

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Djihad. Menacée par l’offensive des milices sunnites, soumise aux brimades du régime chiite de Bagdad, la communauté chrétienne souffre surtout de l’indifférence de l’Occident.

 

La prise de Mossoul, le 10 juin, par les djihadistes sunnites de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) a provoqué l’exode de 500 000 habitants de la deuxième plus grande ville d’Irak, qui en compte 1,5 million. Il ne resterait qu’une centaine de familles chrétiennes dans cette cité en partie coupée du monde. La plupart des chrétiens qui ont fui ont trouvé refuge à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, où les conditions humanitaires se sont dégradées.

 

Les autres chrétiens ont pris la route de Qaraqosh, le dernier grand refuge chrétien de la province de Ninive. Peuplée à 90 % de chrétiens (environ 40 000 âmes), Qaraqosh est aussi menacée par la poussée djihadiste. « Les communications avec Mossoul sont coupées, il n’y a plus ni eau potable ni électricité, l’hôpital n’est plus approvisionné et doit se tourner vers le Kurdistan », témoigne l’association SOS Chrétiens d’Orient, en contact permanent avec des correspondants locaux. La ville est placée sous la protection de soldats kurdes et de volontaires chrétiens, leur présence empêchant toute incursion de l’EIIL.

Irak
Type d'intervention

Pour l’instant, les chrétiens et les Kurdes (sunnites) ne sont pas la cible principale de l’EIIL. Rejoints par des milices sunnites coordonnées par des officiers ou des cadres chassés de l’armée et de l’administration à la chute de Saddam Hussein, en mars-avril 2003, les djihadistes ont une priorité : combattre les chiites, faire tomber le régime chiite du premier ministre irakien Nouri al-Maliki, allié à l’Iran. Malgré les difficultés, la prise de Bagdad était sans doute leur objectif, après Mossoul. Au moins pour alimenter leur propagande, ils devaient annoncer cette intention.

Momentanément épargnés, « les chrétiens ont une double peur », assure, dans la Vie, Ameer Jaje, le vicaire provincial des dominicains du monde arabe, basé à Bagdad : la peur « d’un islam radical qui imposerait la charia et ferait des chrétiens des sous-citoyens et celle de la division du pays en trois zones, sunnite, chiite et kurde. Ce serait très dangereux pour les minorités. L’horizon est sombre […] ».

 

Passés d’environ un million d’âmes dans les années 1980 à 636 000 en 2005, deux ans après la funeste invasion américaine, les chrétiens d’Irak (34 millions d’habitants) redoutent leur disparition de cette terre biblique. Ils ne seraient plus que 400 000 dans le pays, principalement dans le nord, que les djihadistes veulent transformer en nouveau califat en supprimant les frontières avec la Syrie et la Jordanie.

Ils demandent le droit de pratiquer leur foi sans craindre pour leur vie et d’accéder aux mêmes métiers que leurs compatriotes. Par la voix de l’archevêque chaldéen de Mossoul, Mgr Emil Shimoun Nouna, 46 ans, intronisé en 2010, ils s’opposent à toute nouvelle intervention étrangère, surtout américaine. Citoyens d’un pays ravagé par trente années de guerres, ils craignent d’être les boucs émissaires de tous les maux qui frappent un pays fracturé entre ses trois grandes communautés antagonistes : les Arabes chiites ( 60 à 65% de la population), les Arabes sunnites (15 à 20%) et les Kurdes sunnites (environ 15%).

Sous Sadam Hussein, les chrétiens bénéficiaient d’une paix relative, rassurés par la présence de quelques chrétiens dans l’entourage du président, comme Tarez Aziz, alors ministre des Affaires étrangères. Ce régime tenait ces équilibres fragiles d’une main de fer. Son renversement et la destruction de l’État laïc par les Américains ont ouver la voie au chaos et aux fondamentalismes religieux. Les exactions contre les chrétiens ne se comptent plus : prêtres enlevés et exécutés, églises et écoles incendiées et pillées, hommes d’affaires pris en otage, jeunes filles enlevées puis violées ou mariées de force à de « bons musulmans ».

 

Les chrétiens sont sensibles aux prières de l’Occident, mais ils se sentent souvent abandonnés par les reponsables politiques occidentaux. Sur ce dossieur, la France reste en pointe. En 2011, le député Dominique Souchet avait lancé un « appel des parlementaires en faveur des chrétiens d’Orient ». Véronique Besse, députée de Vendée, a pris la suite, rejointe pas la Coordination des chrétiens d’Orient en danger ( Chredo) et 110 parlementaires. La commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale a validé, ce 19 juin, un groupe d’études. Président de SOS Chrétiens d’Orient, Charles de Meyer s’en réjouit : « C’est la conséquence d’une belle mobilisation de la société civile pour les chrétiens d’Orient.»

Mar Eyraud

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