pour aider les chrétiens d’Orient
L’association SOS chrétiens d’Orient envoie des volontaires en Irak, marqué par la guerre contre Daesh. Camille raconte son expérience au Kurdistan irakien, où elle a partagé le quotidien des populations locales.
Étudiante en licence de philosophie à l’IPC, puis en journalisme à l’ISFJ, Camille a choisi de partir un mois cet été au Kurdistan irakien. Une expérience hors du commun qu’elle a pu vivre grâce à SOS Chrétiens d’Orient. Cette association envoie des bénévoles depuis 2014 en Irak et aide les populations chrétiennes, majoritairement regroupées dans des villages du Kurdistan, à se reconstruire. Camille raconte son expérience.
« Il est 15 heures. Dans une légère secousse, l’avion se pose sur le sol irakien après une journée de vol. Je suis avec une autre volontaire. Nous sommes à peine sorties qu’un souffle d’air brûlant s’abat sur nous: il fait 50 degrés. Brutal, ce choc de température est un premier signe du dépaysement qui m’attend pendant ce mois de juillet. Depuis le lycée, je souhaitais me confronter un jour au défi d’une mission humanitaire à l’étranger, quitter le confort de mon quotidien et de ma culture française, et découvrir la situation des chrétiens d’Orient autrement que par les médias.
Dès septembre, j’ai envoyé une lettre de motivation à l’association SOS Chrétiens d’Orient. J’ai participé à une journée de formation durant laquelle j’ai pu rencontrer d’anciens volontaires. J’ai passé ensuite un entretien individuel. Celui-ci permet de mieux connaître les volontaires pour les affecter dans la mission la plus adéquate. Enfin, un entretien collectif m’a permis de poser les dernières questions et rencontrer d’autres jeunes prêts à partir. Seul le billet d’avion (800 euros aller-retour) est à la charge des volontaires et peut être déduit par un reçu fiscal. Si je n’ai pas choisi mon pays de mission, j’ai découvert l’Irak avec émotion. Portant les plaies de la guerre contre Daesh, le pays est désormais secoué par les tensions entre le gouvernement irakien et les kurdes, occupant le nord du pays et réclamant leur indépendance.
À la rencontre des réfugiés
Ma mission a commencé à Erbil, capitale du Kurdistan irakien et troisième ville du pays. C’est là que se trouve la maison mère de la mission SOS en Irak, par laquelle les volontaires transitent avant d’être parfois envoyés en « antenne » dans des villages qui ont besoin d’aide. Habiter avec les volontaires est un des défis de la mission. Il n’est pas facile de s’accommoder à tous les caractères, à celui qui parle trop, celui qui ne range pas sa chambre ou arrive toujours en retard, et de ne pas manquer son service de ménage, cuisine, vaisselle etc.
Dans les rues poussiéreuses du quartier chrétien d’Ankawa, les maisons s’entassent. Devant plusieurs d’entre elles, un escalier métallique a été ajouté pour accéder à l’étage depuis l’extérieur, et permettre d’accueillir deux familles. Depuis la guerre contre Daesh, l’arrivée des nombreux réfugiés chrétiens nécessite ces installations de fortune. Certains viennent de Mossoul ou d’autres villes irakiennes touchées par la guerre, et comptent s’installer définitivement à Erbil. D’autres arrivent de Syrie, et viennent en Irak pour bénéficier du statut de réfugié et demander un visa, souvent pour l’Australie.
Les «SOS cafés», permettent se rencontrer autour d’un buffet, de jeux de cartes ou de loto
Chaque jour, nous rendons visite aux familles par groupes avec un traducteur, pour les écouter, évaluer leurs besoins, et leur donner ensuite ce que nous pouvons. Nous buvons parfois jusqu’à cinq cafés d’affilée, que ces hôtes dans la misère nous offrent avec joie. Cette activité un peu routinière, apprend la patience. Il est dur de garder du recul face aux histoires bouleversantes, et accepter qu’on ne peut pas répondre à tous les besoins. Il faut parfois choisir entre offrir une climatisation, un frigidaire, un four, de la nourriture, ou même renoncer à donner à certains pour donner à d’autres.
Tous les mercredis, les « SOS cafés » permettent aux familles de se rencontrer. Nous jouons au foot avec les enfants, au loto ou aux cartes avec les jeunes et les plus âgés. Je tente d’expliquer les règles par des signes ou des mimiques, à défaut de parler la même langue. Nous animons aussi des activités pour les enfants de réfugiés, dans une école montée par l’association en 2015. Peinture, courses, chansons, il faut faire preuve d’imagination. Les enfants ne parlant pas anglais, je lis dans leurs yeux la frustration de ne pas pouvoir beaucoup échanger. Cela ne les empêche pas de courir dans nos bras à notre arrivée.
Avant l’arrivée de Daesh, les habitants ont pu cacher les objets chers à leur patrimoine.
C’est dans le village de Teleskuf que j’ai effectué la majeure partie de ma mission. Dans la plaine de Ninive, à une vingtaine de kilomètres au nord de Mossoul, ce village a été évacué entre 2014 et 2016 alors que Daesh occupait la région. Aujourd’hui, le village ne compte plus que mille familles, sur les trois milles initiales. SOS Chrétiens d’Orient l’aide aujourd’hui à relancer son activité économique. Pendant le mois de juillet, nous travaillons à la réhabilitation d’une maison près de l’église, pour en faire le nouveau musée de Teleskuf. Avant l’arrivée de Daesh, les habitants ont pu cacher les objets chers à leur patrimoine avant que le bâtiment ne soit détruit. De la peinture des échoppes au déblaiement du cimetière ou des cours d’écoles, les chantiers se multiplient.
Il fait 40 à 55 degrés en journée, nous travaillons donc tôt le matin en extérieur, et reprenons le soir à partir de 18 heures. À peine sortie de la douche que je transpire déjà, et la chaleur écrasante m’empêche souvent de dormir. À coups de pelles et de pioche, nous déblayons et aplanissons un terrain vague pour en faire un espace de jeu. Notre traducteur, un jeune homme du village, travaille toujours avec nous.
Des habitants et les enfants du voisinage se joignent aussi aux chantiers, ou viennent nous rendre visite. « Plus que des volontaires, les gens de SOS sont de vrais amis », me confie l’un d’eux. Les villageois nous en offrent la preuve en nous invitant pour le thé, en apportant un petit-déjeuner sur le chantier, en nous invitant aux tournois de football, aux enterrements et aux mariages. Ils nous apprennent volontiers des rudiments d’arabe ou de soureth – dialecte chrétien. Ils sont heureux de voir tant de jeunes sortir de leur occident confortable, pour partager avec eux la poussière, la chaleur, l’absence d’eau potable et les coupures quotidiennes d’électricité. Plus que de transformer leur quotidien, nous pouvons leur promettre de raconter leur histoire à notre retour ».