Au Pakistan, les chrétiens victimes de l’esclavage

Ici Beyrouth

Salaires misérables, logements vétustes, travail harassant sous la chaleur de la fournaise: tel est le sort de millions de travailleurs pauvres du Pakistan. Ils seraient plus de 3 millions dans le pays, assujettis au travail forcé, selon the Global Slavery index de 2018, élaboré par la Walk Free Foundation. Un esclavage qui ne dit pas son nom au Pakistan, et qui touche en particulier les populations les plus vulnérables issues en grande partie de minorités chrétiennes, hindous et musulmanes, en particulier dans les régions du Pendjab et du Sindh. Fortement touché par ce éau, le Pakistan est au 3ème rang mondial du nombre de personnes concernées par l’esclavage, derrière l’Inde et la Chine.

Loin de l’imaginaire commun lié à l’esclavage durant le commerce triangulaire du XVIIIème siècle, l’esclavage au Pakistan est largement caractérisé par sa dimension économique. Les populations vulnérables ne sont pas nécessairement forcées à devenir esclaves, mais elles le deviennent par nécessité, un esclavage économique, qui s’explique par l’incapacité d’une partie de la population à se loger et à se nourrir.

« Comme ces personnes n’ont pas de logements, elles travaillent pour en obtenir un », explique à Ici Beyrouth Alexandre Goodarzy, directeur adjoint des opérations et responsable développement de l’association SOS Chrétiens d’Orient. « Le propriétaire les héberge en échange de leur travail. Ils travaillent ainsi quasiment gratuitement pour être hébergés, de manière à pouvoir travailler. C’est un cercle vicieux » conclue-t-il. Dans le pays, les secteurs les plus touchés sont la production de briques, de tapis et de coton.

Pakistan
Type d'intervention

La surreprésentation des minorités chrétienne et hindoue dans l’esclavage s’explique historiquement par la colonisation anglaise au XIXème siècle, puis par la séparation entre l’Inde et le Pakistan en 1947. En effet, la présence de chrétiens dans cette région est survenue avec les campagnes d’évangélisation menées par les colons anglais et irlandais.

Alors que le partage entre l’Inde et le Pakistan a été opéré sur base de la démographie religieuse entre hindous, d’un côté, et musulmans, de l’autre, les chrétiens ne disposaient pas à cette époque d’espace qui leur étaient réservés. Déjà pauvres, les chrétiens n’ont pu achever une ascension sociale suite à la création du Pakistan. Du côté des hindous, l’esclavage concerne essentiellement des personnes issues de la caste des intouchables, plus basse classe de la société hindoue.

Déjà marginalisés du fait de leur religion, les minorités sont réduites à travailler pour vivre dans des conditions insalubres. « Les lieux sont très vétustes, ils dorment sur la terre battue, sans isolation », souligne Alexandre Goodarzy. En cas de maladie, de mariage ou d’autres évènements, les esclaves ne sont pas en mesure d’assurer les dépenses avec leur maigre salaire fourni par leur propriétaire.

Le propriétaire va donc avancer les frais, les plongeant au fur et à mesure dans la spirale de l’endettement. Une accumulation de dettes qui deviennent rapidement irremboursables, rendant les esclaves débiteurs à vie de leur propriétaire, souvent sur plusieurs générations.  » C’est de l’esclavage déguisé « , explique Alexandre Goodarzy,  » l’argent qu’ils touchent de leur travail ne leur sut pas pour assurer leur subsistance, même pour scolariser les enfants ou nancer un mariage « . En dénitive,  » même s’ils veulent partir, ils ne le peuvent pas car ils sont tributaires de leur propriétaire « , ajoute-t-il.

Des enfants âgés de 5 ou six ans, des personnes âgées parfois handicapées, tous les membres de la famille sont mis à contribution pour rembourser une dette massive jusqu’à la mort. Seul moyen pour s’en sortir, l’implication d’ONG locales et internationales qui œuvrent souvent avec les églises locales à racheter la dette de ces esclaves pour leur permettre un avenir meilleur. C’est notamment le cas de l’association SOS Chrétiens d’Orient qui avec des acteurs locaux œuvre notamment pour libérer et autonomiser 405 familles de l’esclavage dans le Penjab.

Depuis quelques années, l’État pakistanais permet à l’Église d’acheter des terres an de loger les esclaves libérés. Cependant, la construction de maisons n’est pas susante : sans sources alternatives de revenus, les familles libérées peuvent rapidement retomber dans le cercle vicieux de l’esclavage. Les associations travaillent donc pour leur fournir une activité professionnelle pour leur permettre une certaine autonomie nancière.

En raison de la main d’œuvre quasi inépuisable, les propriétaires accueillent généralement favorablement la demande des prêtres de rembourser la dette de familles esclaves. Pour eux, cette main-d’œuvre bon marché est surtout un business, un marché lucratif qui n’est pas illégal. En effet, c’est l’accumulation de dettes qui rend les personnes esclaves, un esclavage économique qui ne dit pas son nom.

                                                                                             

                                                               Un article de Marie De La Roche Saint-André

 

Votre responsable de pôle

Pauline Visomblain

responsable relations presse