Depuis la guerre civile qui a déchiré le Soudan en 2013, la paroisse latine du Sacré Cœur d’Alexandrie accueille des centaines de réfugiés soudanais. Déracinés, ils tentent de reconstruire leur vie dans ce nouveau pays et si certains rêvent de la France, la majorité préfère s’enraciner ici, au pays des Pharaons.
Toutes les semaines, une vingtaine d’enfants scolarisés dans les écoles aux alentours et des adultes ont la chance de bénéficier de cours de français dispensés par les volontaires.
Le GPS de notre chauffeur a opté pour l’itinéraire qui passe par le bord de mer. C’est une bonne nouvelle puisqu’à partir de 17h, le trafic routier est très chargé dans les rues d’Alexandrie. La corniche permet donc d’apprécier le paysage malgré les embouteillages.
Après plusieurs manœuvres délicates de notre chauffeur, nous arrivons à destination vers 17h30. En pénétrant dans l’enceinte de la paroisse, nous reconnaissons des visages familiers. Tandis que les plus jeunes disputent un match de foot endiablé, les adultes nous attendent, impatients de commencer. Ils sont attablés au fond de la cour, à jouer aux cartes et nous accueillent avec de larges sourires. Nous devons en attendre quelques-uns qui rentrent tout juste du travail. Leur détermination à être présents, à l’heure, est impressionnante !
Comme certains nous le répètent souvent, l’Egypte n’est qu’une étape. Ils rêvent d’une vie plus facile en France et espèrent y trouver du travail et de meilleures conditions de vie pour leurs familles. Ils ne s’étendent pas sur le sujet et nous préférons éviter de les presser de questions.
Au bout des 10 minutes, Jacques, âgé de 13 ans, prend les choses en mains. Il récupère le ballon, le met dans son sac et rameute toute la troupe dans notre salle de classe improvisée. Une vingtaine d’élèves âgés de 3 à 14 ans, s’assoit sur des chaises en bois après avoir épousseté la poussière des travaux.
Nous nous appuyons sur nos piliers Emmanuel, Jacques, Santos et Daniel, qui comprennent l’anglais, pour insuffler un élan aux autres.
Le cours de français dure aux alentours d’une heure. Pendant que nous travaillons sur la date, une élève nous interpelle. « Vous vous êtes trompés de jour.” En effet, nous sommes bien le mercredi 23 juin et non le mercredi 24 juin comme nous l’avons écrit sur le tableau. Cette petite étourderie nous permet ainsi de constater qu’elle a bien compris, alors nous la félicitons.
A travers la fenêtre qui sépare nos deux salles, j’aperçois des volontaires expliquer des points de grammaire aux adultes. Parmi eux se trouve un professeur d’anglais qui les aide beaucoup à structurer le cours. Mais il est beaucoup plus rigoureux que nous et pose des questions pointues. Alors qu’il peste contre l’habitude des Français à attribuer un genre aux objets, les autres tentent péniblement de construire des phrases avec le vocabulaire qu’ils viennent d’apprendre.
Ces cours dispensés aux enfants soudanais à l’église du Sacré-Cœur, sont bien différents de ceux que nous donnons dans les garderies des bidonvilles d’Alexandrie. Ici, les enfants sont plus âgés et ont, pour la majorité, quelques notions. L’enseignement est donc plus rapide et balaye un plus grand nombre de sujets. C’est par ce genre d’activités que nous prenons conscience que notre mission à Alexandrie nécessite une constante adaptation vis à vis de notre auditoire. C’est une expérience de patience et d’humilité. C’est à nous d’avancer à leur rythme et non l’inverse.
Après une heure de cours, nous libérons nos élèves. La salle rangée, nous les rejoignons pour disputer une partie de foot dans la cour de la paroisse. Plus à l’aise en chaussette qu’avec leurs baskets, ils donnent beaucoup de fils à retordre à l’équipe des volontaires.
Toutefois, nous trouvons une parade autre que celle de notre gardien. En effet, la cour fait également office de parking. Ainsi, lorsque notre défense est face à une situation délicate, nous crions en arabe « Arabia, Arabia » c’est à dire « Voiture, Voiture ». Ils s’arrêtent alors de jouer un instant et nous en profitons pour récupérer le ballon et dégager le danger. Toutefois, cette ruse finit par ne plus fonctionner…
Un peu plus loin, une de mes camarades se soumet de bonne grâce aux interminables demandes de photos et selfies que nos jeunes élèves lui réclament !
Aux alentours de 19h, nous sifflons le coup de sifflet final. Il est temps de dire au revoir et de rentrer. L’église étant située à 3 minutes à pied de la corniche, nous en profitons pour admirer le beau coucher de soleil sur la mer Méditerranée.
Erwan, volontaire en Egypte.