Au coeur du bidonville d’Abis, un air de 14 juillet avant l’heure

Le bidonville d’Abis, situé en périphérie d’Alexandrie, voit cohabiter, dans des conditions vétustes, 280 familles chrétiennes et 500 musulmanes dont la plupart sont agricultrices de génération en génération. Les champs de blé et de maïs dorés par le soleil estival font presque oublier les rues, en terre battues, bordées de petits immeubles en béton.

 

Dans ces bâtisses, le bétail occupe le rez-de-chaussée, les appartements se répartissent sur les étages et le toit est le lieu privilégié pour élever des canards ou des oies. En déambulant dans les rues, il n’est pas rare de croiser les polos rouges des enfants de la garderie ainsi que les T-shirt bleus des enfants de l’école.

 

Comme dans tous les bidonvilles, l’Eglise joue un rôle fondamental de ciment des communautés à travers l’organisation d’activités paroissiale et de donation de biens de première nécessité. Elle prend également en charge les frais d’inscription scolaire pour les familles aux revenus les plus faibles.

 

Dans ce cadre, deux fois par semaine, les volontaires de SOS Chrétiens d’Orient dispensent des cours de français à la garderie et organisent des activités avec les enfants en situation de handicap. Pour les familles les plus pauvres, ils réalisent également, une fois par semaine, des donations de 6 colis alimentaires et financent l’achat de produits ménagers ou de jeux pour les enfants.

Il est 9h45 ! A peine la prière des volontaires achevée, l’interphone sonne ! C’est Naguy, notre pilote ! Chargée du nécessaire pour donner nos cours de français à la garderie et pour faire des activités manuelles avec les enfants, l’équipe d’Alexandrie lève le camp direction Abis, musique à fond !

 

Après vingt minutes de route, nous quittons la voie rapide pour des routes moins praticables où se croisent toutes sortes de véhicules.

 

Au loin, entre les garages, les fabriques de briques et les ébénisteries, nous apercevons les champs d’Abis où paissent les troupeaux et où poussent les récoltes de maïs et de blé.

 

Nous prenons à droite et longeons le canal qui permet d’irriguer les champs, ce que sont d’ailleurs en train de faire les paysans qui se lancent énergiquement les pompes à eau capricieuses. Sur notre droite, l’immeuble de la garderie pointe à l’horizon.

 

Un dernier virage pour franchir le canal et nous voici arrivés. Après avoir saluée le Père, la « team garderie », dont je fais partie, monte les escaliers pour atteindre le premier étage.

 

À travers l’imposante porte nous proviennent les cris des enfants. Nous sonnons. Une maîtresse vient nous ouvrir. Comme à son habitude, Mora, directrice de l’école, nous propose de prendre le thé et de discuter en attendant que les enfants terminent leur petit déjeuner. Mais je ne résiste pas à la tentation d’aller retrouver les élèves de ma classe. Ils sont tous là, dans la grande salle de jeux affairés à prendre leur repas.

 

Après les avoir salués comme il se doit, je rejoins le reste de l’équipe occupé à déguster un thé oriental brûlant, tout en écoutant attentivement la directrice leur raconter, photos à l’appui, la sortie piscine de la semaine dernière.

Vers 11h, l’heure du cours de français a sonnée. Je retrouve alors Abanob, Wadia, Cirolos, Simone, … qui m’accueillent avec leurs plus grands sourires. En Chœur, ils entonnent la comptine « le facteur n’est pas passé » que je leur ai apprise il y a une semaine et qu’ils ont depuis répétés inlassablement avec leur maîtresse.

 

Je vis là, l’un des plus beaux moments de ma mission. Dans la vie de tous les jours, cet épisode peut paraître anodin. Toutefois, au cœur de ce bidonville du Nord de l’Égypte, il n’en est rien. Voir l’entrain avec lequel la maîtresse s’est donnée du mal pour faire répéter cette comptine dans une langue étrangère à ses élèves âgés de 5 ans me touche beaucoup.

 

Après cet instant émotion, nous débutons le cours. Au programme aujourd’hui : apprentissage de l’écriture de la lettre F, en minuscule et en majuscule, ainsi que du vocabulaire en lien avec la France.

Un par un, les élèves repassent avec le doigt sur les lettres F que j’ai dessiné en gros sur une feuille A4. Une fois qu’ils ont réussi sans se tromper de sens, je leur donne une autre feuille pour qu’ils s’entraînent tout seul en repassant sur des lettres en pointillés. Tandis que le « F majuscule » est un quasi sans faute, le « f minuscule » donne du fil à retorde à bon nombre d’entre eux. Je me souviens alors de mes cours de maternelle où mes collègues et moi-même étions confrontés aux mêmes difficultés. Une fois qu’ils ont tous terminé de compléter leurs feuilles, je les fais passer un par un au tableau pour vérifier qu’ils ont bien compris comment écrire, sans modèle, la lettre « F » ainsi que toute les lettres de l’alphabet qui précèdent.

 

Une fois cet atelier de calligraphie derrière nous, je tente de leur apprendre du vocabulaire en lien avec la France. Afin de faciliter le dialogue avec les élèves et pour parfaire mes rudiments d’arabe, je demande à la maîtresse de traduire les mots que je vais enseigner aux élèves. J’apprends ainsi à dire : le pain, le fromage, le raisin, la mer, la montagne, le château, … Cela fait beaucoup rire mes élèves mais c’est une méthode très efficace. 

 

Vers midi, je sens que l’attention des élèves diminue. Je décide alors de leur apprendre une nouvelle comptine avec les différentes parties du corps, le traditionnel : « Tête, épaule, genoux et pieds ; genoux et pieds ». Même la maîtresse s’y met !

 

À la fin du cours, toutes les classes se retrouvent dans la salle de jeux pour déguster les crêpes au chocolat que nous leur avons préparées. À leurs sourires, nous comprenons qu’ils apprécient cette spécialité française.

 

Bien vite, il est l’heure de leur dire au revoir car nous sommes attendus pour les donations alimentaires chez des familles du bidonville…

Chargés de quatre sacs, nous prenons à gauche en sortant de l’église. Nous longeons un champ de maïs et croisons un habitant chevauchant un âne mais aussi des visages familiers que nous avons visité les semaines passées. Dans les rues, bon nombre d’enfants, chrétiens ou musulmans, nous saluent tout content d’utiliser les quelques mots de français ou d’anglais qu’ils connaissent.

 

Une fois à l’intérieur des appartements, après avoir passé le rez-de-chaussée servant d’étable, nous sommes accueillis dans des intérieurs modestes mais chaleureux. Nous nous déchaussons et nous installons sur des fauteuils d’un autre âge mais confortables. Alors, nous faisons la connaissance de la famille et parfois même de leurs animaux de compagnie remuant ! Il arrive parfois que nos échanges portent sur des événements heureux comme pour cette famille dont la fille va se marier le 28 août. Une journée qui fait écho en moi puisque ma sœur se marie aussi le 28 août !

Après les questions habituelles, nos hôtes nous proposent un rafraîchissement, quelque fois de la citronnelle et alors, sans connaître la provenance des ingrédients, nous acceptons en croisant les doigts de ne pas tomber malade. D’autres mettent les petits plats dans les grands, nous accueillant comme des invités royaux : pain pita, préparation à base de fromage et de tomate, frites, tomates taillées en rondelles, concombres taillés en bâtons ; le tout servit avec une boisson gazeuse. Une démonstration de générosité d’une famille modeste qui ne nous laisse pas de marbre.

 

Nous concluons nos visites par une prière commune récitée dans nos langues respectives et tendons les colis alimentaires contenant 1kg de pâte, 1kg de riz, 1 pot de sauce tomate, 1L d’huile, un paquet de thé, une boîte de fromage et 6 tranches de jambon.

 

Notre mission au bidonville se termine. Nous apercevons au loin notre pilote Naguy qui vient à vélo à notre rencontre. Il est certainement plus habile au volant de son van qu’au guidon d’une bicyclette ! Après avoir salué tout le monde, nous montons à bord du van de Naguy direction Alexandrie !

 

Un colis alimentaire contenant des aliments pour nourrir une famille de 5 personnes pendant quelques jours coûte 15 €. 

Erwan, volontaire en Egypte.