Si la guerre brise des familles, elle fait aussi ressortir le meilleur des syriens

Le lundi après-midi, les volontaires rendent visite aux personnes âgées de la maison de retraite évangélique du quartier Bab Al Siba à Homs, afin de briser la solitude dans laquelle ils sont plongés depuis de long mois à cause de la pandémie. A cette occasion, ils ont fait la connaissance de Sœur Valentine et de Suzy, deux âmes vaillantes que la vie n’a pas épargnées et dont les témoignages résonnent comme un appel à se souvenir que la Foi et la famille transportent les montagnes.

Du haut de son petit mètre cinquante et de ses 90 ans, Sœur Valentine, dans un français impeccable et un large sourire rempli de simplicité, nous accueille dans « sa” maison de retraite légèrement excentrée de Homs.

 

Soeur Valentine est d’origine libanaise et vient de la Congrégation des Sœurs des Saints-Cœurs. Il y a un peu plus de vingt ans, envoyée à Tartous, en tant qu’infirmière pour soigner les malades de la tuberculose, elle quitte sa terre natale pour la Syrie. A nouveau en 2007, elle laisse tout derrière elle pour la maison de retraite de Homs où elle passe des années paisibles.

Soeur Valentine est d’origine libanaise et vient de la Congrégation des Sœurs des Saints-Cœurs. Il y a un peu plus de vingt ans, envoyée à Tartous, en tant qu’infirmière pour soigner les malades de la tuberculose, elle quitte sa terre natale pour la Syrie. A nouveau en 2007, elle laisse tout derrière elle pour la maison de retraite de Homs où elle passe des années paisibles.

 

Mais début 2011, les manifestations gagnent rapidement la ville, qui devient la « capitale de la Révolution ». La maison de retraite ne tarde pas à se retrouver dans l’épicentre des affrontements.

 

Comme les 47 personnes âgées de son établissement, Soeur Valentine n’est pas préparée à vivre au milieu des combats et des morts mais elle ne cesse de prier et de répandre le bien autour d’elle. Durant le siège de Homs, qui dure de février 2012 à 2014 et au terme duquel l’armée arabe syrienne reprend la ville, l’édifice est durement touché par les bombardements. Son toit, ses vitres, sa terrasse sont soufflés.

 

Sœur Valentine et ses résidents se retrouvent donc pris en otages dans ces affrontements opposant les terroristes, d’un côté du bâtiment, et l’armée arabe syrienne de l’autre. Des blessés de guerre lui sont fréquemment confiés pour se faire soigner mais les soins médicaux sont difficiles à administrer. À l’absence d’électricité et d’eau s’ajoute la difficulté, voire l’impossibilité, de se procurer des médicaments et du matériel médical de base… Malgré toutes ces épreuves, elle n’éprouve pas de peur : Dieu est là pour elle.

Après avoir écouté ce récit poignant, nous montons dans les chambres à la rencontre des personnes âgées. Le premier étage est occupé par les hommes, tandis que les deuxième et troisième le sont par des femmes. Je m’assoie près de Suzy, une résidente de quatre-vingt ans, parlant très bien le français. Cela se révèle d’une réelle utilité, particulièrement lorsque Bushra, notre traductrice syrienne, est à l’autre bout de la pièce occupée avec d’autres volontaires.

 

Le sourire de Suzy est communicatif et s’illumine lorsqu’elle commence à me parler de ses enfants. « Tu me fais penser à ma fille ! Je ne l’ai pas revu depuis dix ans. » Suzy a quatre enfants. L’ainé est docteur à Toulouse, le deuxième est ingénieur en Allemagne et sa fille a émigré au Canada. Le dernier est resté en Syrie mais elle n’a pas de nouvelles de lui depuis le début de la guerre. Elle s’effondre en évoquant son nom. « On m’a dit qu’il est mort mais je m’accroche à l’espoir de le revoir un jour, entrer dans cette chambre et me dire « bonjour maman ». Ses enfants ont tous fuit la Syrie au début de la guerre, à la quête d’un avenir meilleur pour eux et leurs enfants. Elle a souvent des nouvelles, mais ils ne sont pas revenus la voir depuis dix ans.

 

J’habite au Liban depuis un an et après avoir rencontré beaucoup de Libanais, je sais à quel point la famille est importante. Il en est de même pour les Syriens et pour tous les orientaux en général. Elle constitue le pilier de leur vie et lorsque nous abordons le sujet de l’émigration, je sens que la déchirure est profonde. Ils sont partagés entre l’avenir de leurs enfants, qui sera toujours meilleur ailleurs qu’en Syrie et le besoin d’être ensemble. Le problème est qu’une fois les frontières franchies, les Syriens ne reviennent plus. Ils laissent donc derrière eux des parents seuls, qui attendent avec impatience le coup de téléphone du dimanche soir pour avoir de leurs nouvelles.

 

« J’habitais à Alep avant la guerre. J’avais une vie magnifique, une grande famille et j’aimais recevoir du monde. Même quand la guerre a explosé et que la ville était occupée, je suis restée. Mes enfants eux sont partis. Mais je n’ai jamais cessé de croire en Dieu et de prier Saint Charbel. » Il y a un an, un accident l’a amené dans cette maison de retraite pour y être soignée. Elle a dû quitter sa ville, ses repères mais elle sait que c’est pour son bien. « Les conditions sont parfois compliquées, surtout avec les grosses chaleurs qui assomment la Syrie l’été. L’électricité coupe très souvent mais je suis habituée. »

 

Je suis impressionnée par son histoire et par son opiniâtreté à me remercier à longueur de temps. « Merci à tous de venir nous rencontrer, d’écouter nos histoires et de nous remémorer ces moments familiaux si chers à nos cœurs. »

 

D’un côté Sœur Valentine a donné sa vie à Dieu à l’âge de 18 ans. Elle a quitté sa famille et la campagne libanaise pour rentrer dans un monastère vers Saida. Elle ne connait pas ses petits frères. Dieu l’a envoyé sur terre pour aider… Il l’a « enveloppé de son manteau pour la protéger ».

 

De l’autre Suzy a donné sa vie pour ses enfants, qui par la suite ont quitté le pays en quête d’une vie meilleure. Moi qui suis très attachée à ma famille, je ne peux pas imaginer la souffrance de voir ses proches partir et ce du jour au lendemain. Rien n’est préparé à l’avance, tout est fait à la dernière minute. Ça commence par un ami, puis une sœur, puis un enfant… On ne peut pas leur en vouloir mais ça blesse.

 

A travers ces visites, je vois les conséquences de la guerre non pas au niveau matériel mais au niveau psychologique. Certes Suzy n’a pas été touchée physiquement mais elle a perdu ce qu’elle avait de plus cher : ses enfants…

Prudence et Maxime, volontaires en Syrie