Ce dimanche 6 juillet, certains affirment avoir découvert des tracts appelant à « détruire les maisons des chrétiens ».
« Après le massacre des Alaouites, au printemps, beaucoup de chrétiens craignent d’être les prochains… » Trois semaines après l’attentat-suicide inédit qui a visé l’église Saint-Élie à Damas (Syrie), les chrétiens syriens vivent majoritairement dans la peur. Dimanche 6 juillet, dans quelques villages, certains affirment avoir découvert des tracts appelant à « détruire les maisons des chrétiens, égorger leurs enfants et capturer leurs femme ». « Ces gens-là sont des mécréants […] Brûlez les corps des adorateurs de la Croix. Qu’il ne reste aucun mécréant. Brûlez les infidèles », énonçait un autre. « Ce n’est pas la première fois qu’on découvre ces feuillets. On ne connaît pas l’auteur, on ne sait pas si les menaces sont réelles », explique un Syrien, chef de mission pour SOS Chrétiens d’Orient, contacté par BV. « Ce sont seulement des tracts, seulement du papier. Les chrétiens en Syrie ont des préoccupations bien plus graves… », ajoute-t-il. Enlèvements, vols, attentat… Face à une insécurité grandissante, « les chrétiens syriens veulent rappeler qu’ils sont des Syriens comme les autres. Il font partie du peuple syrien et demandent seulement à être protégés comme les autres », souligne Amélie Berthelin, responsable du service information à l’Aide à l’Église en détresse (AED).
Une peur au quotidien
« L’attentat de Damas a été un point de bascule extrêmement violent », note Amélie Berthelin. Dimanche 22 juin, près de 150 fidèles assistaient à la messe à Saint-Élie, une église orthodoxe-grecque de la capitale, lorsque, vers 18h30, un homme a ouvert le feu sur l’assemblée avant d’actionner sa ceinture d’explosifs. Selon le dernier bilan, l’attaque a fait 25 morts et plusieurs dizaines de blessés. Un attentat inédit pour les chrétiens de Syrie qui, « contrairement à des communautés chrétiennes dans des pays de la région, ne sont pas habitués à être visés par des attentats de grande ampleur », nous explique Amélie Berthelin. Il faut en effet remonter à 1860 pour trouver une attaque d’une extrême violence lancée contre les chrétiens à Damas.
Depuis l’attentat, « le sentiment général au sein de la communauté chrétienne est plutôt la peur », confirme Amélie Berthelin. « Certes, tous les chrétiens ne pensent pas la même chose, ne vivent pas non plus la même chose en fonction du lieu où ils habitent, mais je ne pense pas me tromper en affirmant que la peur domine », poursuit la responsable de l’information à l’AED. « La peur prend de plus en plus de place. Les chrétiens se disent que s’ils peuvent faire un attentat dans une église, ils peuvent en faire n’importe où, abonde le chef de mission pour SOS Chrétiens d’Orient. On s’attend à d’autres attaques, on est plus prudent dans la rue, on analyse tout, on regarde avec méfiance autour de soi. » « Il y a des menaces à travers des haut-parleurs dans certaines villes ou villages. Forcément, tout cela ajoute de la tension », renchérit Amélie Berthelin.
La tentation de fuir
Conséquence directe de cette peur, de nombreux chrétiens s’interrogent sur leur possible avenir en Syrie. « De nombreux jeunes que je rencontre veulent quitter le pays. Beaucoup ont peur pour leurs enfants », poursuit le salarié de SOS Chrétiens d’Orient. Même son de cloche, du côté de l’AED : « Beaucoup se posent la question du départ. Mais ils ne savent pas où aller… » Depuis le début de la guerre civile en 2011, la communauté chrétienne en Syrie est déjà passée d’un million de fidèles à quelque 200.000, aujourd’hui.
Les chrétiens, dans leur grande majorité, souhaitent que le gouvernement, dirigé par Ahmad al-Charaa depuis le début de l’année, les protège. « Ils s’attendaient à une déclaration ferme du président syrien pour les soutenir après l’attentat et ils ne l’ont pas eue », se désole Amélie Berthelin. En effet, le président n’est même pas venu rencontrer la communauté chrétienne, au lendemain de l’attentat de Damas. Résultat : l’espoir d’un renouveau suscité par la chute de l’ancien régime et l’avènement d’un nouveau gouvernement semble s’éloigner, pour les chrétiens. Et face à cette pression, beaucoup « se sentent isolés ». « Ils sont déçus par le manque de soutien des gouvernements occidentaux », nous assure le membre de SOS Chrétiens d’Orient.
Par Clémence de Longraye