Un camp d’été qui vous fait retourner en enfance

Au début du mois d’Août, 70 enfants jordaniens du village d’Husn ont eu la chance de vivre un camp d’été exceptionnel encadré par des jeunes bénévoles jordaniens et cinq volontaires de SOS Chrétiens d’Orient. Entre activités aquatiques, musicales et manuelles, ils ont largement profité de ces beaux jours de vacances et de la chaleur d’un mois d’été très clément. Après une année difficile marquée par de nombreux confinements stricts et une interdiction totale d’assister au cours en présentiel, il n’en fallait pas plus pour rendre ces enfants heureux et c’est ce que vous propose de découvrir Aude, volontaire en Jordanie.

« Il est 2h de l’après-midi ! Il fait chaud … terriblement chaud ! Nous venons d’arriver dans la cour de l’école d’Husn pour cette première journée de camp d’été. Les enfants sont alignés en rang devant une quinzaine de jeunes jordaniens, casquettes vissées sur la tête et lunettes de soleil au bout du nez ! Nous nous faisons discrets mais comment le rester très longtemps quand nos tee-shirt floqués du logo SOS crient que nous ne sommes pas d’ici ! Les premiers mots du « Notre Père » retentissent alors… Les paumes de mains vers le ciel, les enfants égrènent chaque syllabe avec force et maîtrise ! Tout est calme dans cette cour décorée de jolies peintures de Mickey, de Minion et d’Hello Kitty.

 

Puis, à la minute où le « Amin » a retenti, les petits anges se transforment en pile électrique remontée à gogo. Les ateliers peuvent commencer et pour moi, ce sera … bataille d’eau ! Les enfants sont répartis par âge et forment différents groupes reconnaissables par un bracelet de couleur, pour une meilleure organisation des ateliers.

Ma jupe dégouline, mon tee-shirt est trempé et de l’eau me coule dans les yeux ! Je prends une pause pour décider de ma prochaine cible. J’ai un ballon de baudruche rempli d’eau dans la main et soixante-dix enfants autour de moi. A ma droite, l’organisateur de ce camp d’été, éclate une bombe sur Lucas, un volontaire de SOS Chrétiens d’Orient. Par esprit de cohésion, je fonce sur lui et lui jette mon projectile qui se répand sur son dos comme une vague déchaînée.

 

Je suis admirative de cet homme et de ses quinze amis qui donnent trois jours de leur temps pour faire rêver ces enfants. Vous me direz que trois jours c’est court mais trois jours avec eux c’est inoubliable. Ce sont des animateurs nés. Chanteurs, joueurs ou musiciens, ils usent de tous leurs talents pour faire sourire ces jeunes chrétiens âgés de trois à quinze ans. Privés d’école à cause de la crise sanitaire, ils n’ont pas eu, depuis longtemps, l’occasion de s’amuser et de partager des vrais moments de qualité ! Ici, il n’y a pas d’adultes, que des grands enfants qui sont retombés en enfance et crient à tue-tête à en faire fuir les oiseaux d’Husn, cette petite ville au nord de la Jordanie.

 

« I love Jesus ! » Derrière moi, un animateur vient d’élever la voix ! Pour favoriser un retour au calme rapide après un tel débordement d’énergie, le recours à ce subterfuge semblait essentiel ! Tout autour de lui, les enfants clament à leur tour, « I love Jesus ! » comme un écho se répercutant sur les montagnes au gré du vent. Et puis … plus rien … le silence ! Ouao ! Mission accomplie.

 

Au tour de l’atelier karaoké de commencer ! Si au début nous avons du mal à suivre, nous prenons rapidement le rythme et terminons sur l’estrade à gesticuler dans tous les sens. Étant toute trempée, je me dirige vers la piscine gonflable où l’eau claire invite à s’y rafraîchir !

Armée d’un pistolet à eau je ne ménage pas mes efforts pour arroser abondamment tout humain qui me paraît un peu trop sec. Par retour de bâton, les enfants se vengent et l’activité dégénère en une énième bataille dans la piscine. Momentanément, je dépose les armes pour aider une petite fille handicapée à entrer dans la piscine gonflable. Son rire malicieux nous met du baume au cœur.

 

D’autres ateliers un peu moins déjantés ont tout autant d’effets sur les enfants. Une installation gonflable de tirs au panier permet de célébrer les plus adroits d’entre eux. Une chaise musicale géante montre des esprits compétiteurs. Des tables de ping pong, des relais, des chorégraphies, personne ne peut s’ennuyer.

 

Encore une fois les bombes à eau animent les ateliers ce qui ne déplaît à personne car le soleil est à son zénith. Astrid et Elisabeth acclament Lucas et son nouveau meilleur ami Michel qui viennent de descendre le toboggan gonflable. Cette image d’un volontaire de 24 ans avec ce petit garçon de 11 ans de moins qui partagent la même complicité offre un touchant contraste.

Tout à nos tâches nous ne percevons pas tout de suite l’arrivée de notre éminent invité. Sous l’impulsion des animateurs, les jeux s’arrêtent et nous rejoignons séance tenante Monseigneur Joseph Jbara, évêque grecque-melkite catholique, sur le parking de l’école. Cet homme vêtu de sa soutane et d’une crosse nous salue dans nos langues respectives, français et italien.

 

Il se fait tard quand nous nous attablons pour la pause déjeuner. Les minutes deviennent des secondes quand on est en bonne compagnie ! Hamburgers, frites, coca nous n’en faisons qu’une bouchée. Tout en mangeant et en séchant, nous écoutons de la musique traditionnelle arabe ou française. Dans tous les pays de mission, la tradition veut que l’hôte fasse retentir des sons occidentaux dans les hauts parleurs, en signe de bienvenue ! Tout est fait pour que chacun y trouve son compte. Je m’assois à côté d’un groupe de jeunes filles, dont le visage s’illumine d’un large sourire lorsqu’elles m’entendent prononcer les quelques mots en arabe que j’ai voulu apprendre. En revanche, elles deviennent rapidement hilares lorsqu’elles m’entendent prononcer ceux qu’elles tentent par tous les moyens de m’enseigner. Même avec la meilleure volonté du monde, la leçon s’annonce désastreuse.

 

À peine mon verre terminé, je me fais embarquer sur la piste de danse. Tous ces mouvements des pieds sont admirables à regarder mais me paraissent d’une difficulté absolue à reproduire. Je vois l’enthousiasme des danseurs qui s’acharnent à me transmettre leur savoir-faire rythmique. A bout de souffle, je reprends ma respiration et balaie des yeux mon environnement. Rabeea est sur le départ ! C’est l’heure de partir.

 

Dans la voiture je pense à cette journée, à la façon dont nous avons été accueillis : comme des rois. Les animateurs nous ont fait monter sur l’estrade pour nous présenter, nous remercier et pour partager leur danse.

Dès les premiers instants, j’ai compris qu’aujourd’hui je retournerai en enfance. J’allais rire, jouer, chanter, danser dans une insouciance totale, dans une profonde paix intérieure et dans une joie exaltante. Aujourd’hui la barrière de la langue n’a pas été un frein. Par mes gestes, par mes yeux et mon sourire, je crois avoir réussi à leur faire comprendre que tout ce que nous avons vécu ensemble m’a rendu heureuse.

 

Je voudrai alors dire merci.

 

D’abord un grand merci aux donateurs de SOS Chrétiens d’Orient qui financent ces trois jours. Car à l’heure où j’écris ce texte, il me reste encore deux jours comme celui-ci à vivre et je souris, rien que d’y penser. Sans SOS Chrétiens d’Orient je n’aurai pas pu éclabousser le chef du camp d’été, ni voir Rabeea, mon chef de mission protéger sa sacoche coûte que coûte des bombes à eau fusant de toute part. Je voudrai dire merci aux animateurs qui, par leur folie si communicative et une attention particulière pour toutes les âmes qu’ils rencontrent, m’ont tant rendu heureuse. Et merci à ces enfants pour leur espièglerie ! Je compte prendre mes revanches demain, dès le début des activités ! Yallah j’arrive ! »

Aude, volontaire en Jordanie