كرنفالُ عيد السيدة في وادي النصارى

Le 14 Août, à la veille de l’Assomption, les volontaires ont eu la chance de participer aux carnaval traditionnel de Marmarita dans la Vallée des chrétiens. Annulé en 2020 à cause du coronavirus, il a attiré cette année une foule nombreuse, qui a défilé dans les rues, guidée par une statue de la Vierge Marie.

Levés de bon matin, nous accueillons Ramès, chauffeur et ami de l’association, Firas, ingénieur de SOS Chrétiens d’Orient à Homs et ses filles ainsi que quelques volontaires et employés syriens pour une tasse de café. L’équipe rassemblée et les sacs sanglés, nous embarquons dans les voitures et partons pour la Vallée des Chrétiens.

 

Après une petite heure de route, nous arrivons à Al-Nassara, un petit village à l’entrée de la Vallée des Chrétiens, où nous sommes chaleureusement accueillis pour le petit-déjeuner par la famille de Georges, un volontaire syrien. Tandis que les parfums du thé, du labneh, du houmous et des fruits frais embaument, les parents de Georges nous racontent l’histoire de la Vallée et son importance pour les communautés chrétiennes de Syrie.

 

Habitée de longue date par des chrétiens, la Vallée des Chrétiens (Wadi al-Nassara en arabe) est une région rurale de la Syrie occidentale, à mi-distance entre la ville de Homs et le littoral méditerranéen et à proximité de la frontière nord libanaise. La majorité de ses habitants sont grecs orthodoxes et originaires des villages chrétiens du nord du Liban. Leur migration vers le Wadi al-Nassara débuta au milieu du 19èmesiècle, lors des massacres des chrétiens du Mont Liban par les druzes. Durant la guerre civile syrienne, la présence des chrétiens augmenta drastiquement dans cette vallée, si bien qu’on en compte aujourd’hui plus de 200’000 contre 80’000 à l’aube des conflits. Protégée par une milice progouvernementale et jouissant des avantages militaires que peuvent offrir un relief montagneux, elle servit de refuge pour de nombreux chrétiens et alaouites.

Alors que les anecdotes fusent toujours, j’en profite pour m’isoler afin de contempler la vue. La vallée est resplendissante. D’est en ouest, on aperçoit des oliviers, des vignes, des abricotiers et des fleurs. Cette concentration de végétation, de couleurs, de vie me rappelle la Méditerranée, le Sud. De l’autre côté de la plaine s’érige majestueusement le Krak des chevaliers. Tout de suite, je suis frappé par l’architecture si unique de cette forteresse et je replonge subitement au temps des croisades, des templiers, de Saladin, une époque dont les récits. Entre le Krak des Chevaliers, témoin vivant de la présence des templiers en Orient, et l’air méditerranéen, le terme de « mare nostrum » devient tout de suite plus clair. Je réalise que nous, Européens, partageons, quoiqu’on en dise, la même mer, la même histoire, la même culture et le même destin que le peuple syrien.

 

Mes rêveries avortées par l’appel du départ, je rejoins le village de Marmarita, situé à quelques kilomètres de là. Après 10 minutes de voyage, Zayn, une volontaire syrienne, nous accueille dans son appartement. Nos bagages à peine posés, nous réalisons que nous avons oublié de prendre quelque chose de pourtant essentiel : de l’eau. Les 40°C ayant raison de notre soif, nous partons tous ensemble dans un restaurant situé en contre-bas de l’immeuble dans lequel nous passerons la nuit. Ce restaurant extérieur de trois étages accrochés au coteau nous offre une vue imprenable.

Nous apercevons des collines et une plaine recouverte de végétations, un lac d’eau douce et nous distinguons même, à l’horizon, le littoral méditerranéen.

 

Nous nous asseyons à une table dans la partie inférieure du restaurant. Au rythme des cigales, sous un plafond de vignes et entourés d’arbres dans lesquels les oiseaux viennent chercher un peu d’ombre, nous dégustons des spécialités syriennes que nous accompagnons, au choix, d’eau, de bière ou d’arak. Au fil de l’après-midi, tandis que les cigarettes s’accumulent dans le cendrier et que les discussions fusent de part et d’autre, nous en venons à aborder la situation des jeunes en Syrie. Plusieurs volontaires évoquent les années de guerre et racontent avoir perdu des proches, des amis ou de la famille dans les conflits. Une fille nous confie : « A plusieurs reprises, des étudiants ont été bombardés ou fusillés à la sortie de l’université. Je continuai d’y aller tous les matins, de poursuivre ma vie comme si tout était normal. Mais rien n’était normal. Tous les matins en me réveillant, je savais que ce serait peut-être le dernier jour ». Ces paroles, d’un détachement et d’une clairvoyance extrême, ne nous laissent pas indifférent. Je repense à toutes les fois où je me suis plaint, les matins d’université, de devoir me lever, prendre mon café en vitesse pour rentrer dans un bus dans lequel je ne trouverai pas de place assise. Tout cela me semble bien absurde…

 

Après quelques tasses de thé, quelques verres d’arak et quelques bouffées de narguilé vient finalement l’heure du traditionnel défilé du carnaval.

En regagnant le centre du village, Firas nous raconte l’origine du carnaval. « En 1975, le jour de la fête de l’Assomption, un groupe de jeunes se déguise spontanément et construit un petit char afin de monter voir la Vierge surplombant la vallée. Au fil des années, l’évènement prend de l’ampleur jusqu’à devenir aujourd’hui une manifestation incontournable pour les Syriens, qui se le transmettent de génération en génération. Annulés durant la guerre civile, il a repris ses quartiers en 2019, avant d’être annulé en 2020 pour des raisons sanitaires. » Ce jour est donc particulièrement symbolique pour un village, un peuple, une nation, aspirant au dépassement de dix années de souffrance, de mort, de pleurs et de sang. Peut-être est-ce la raison de la présence si riche en spectateurs…

 

En traversant le village de Marmarita, je suis surpris par l’affluence que suscite cet évènement. Partout sur les toits, devant les boutiques, aux balcons des immeubles, des familles, des enfants, des vieillards venus de toute la région se tiennent prêts pour le défilé. Les enfants sont déguisés, les femmes sortent leur plus belle tenue et les hommes ont enfilé leur costume du dimanche. Parvenant avec difficulté à nous frayer un chemin à travers la foule, nous trouvons finalement un lieu pour observer le défilé. Perchés en haut d’un mur, nous apercevons les derniers préparatifs qu’accompagne l’excitation de certains, sans doute les vieillards du quartier, désireux de montrer leur village sous son plus beau jour.

 

Du haut de notre point de vue, nous voyons défiler des chars richement décorés, des groupes aux chorégraphies soigneusement préparées ainsi que la fanfare villageoise.

Suivant ce cortège, l’ensemble des villageois, femmes et hommes, enfants et vieillards, marchent de manière festive, au rythme des musiques et des applaudissements. Unis dans la même célébration, nous sentons un village fier, déterminé à montrer le meilleur de lui-même.

 

Le défilé terminé, nous rentrons à l’appartement de Zayn où la soirée se poursuit jusque tard dans la nuit. Après une nuit brève, passée pour certains sur le balcon, nous quittons Marmarita, la tête pleine de souvenirs et le cœur définitivement syrien.

 

Si ce weekend nous a permis d’apprendre quelque chose, c’est l’admirable capacité de résilience des Syriens. Meurtris par dix années d’une guerre sanglante, pendant laquelle tous ont perdu un proche, un ami ou un frère, appauvris par une crise économique sans précédent, accentuée par les sanctions internationales et par la crise du COVID-19, les Syriens n’ont pas perdu leur sens de la fête, de la communion et leur dévotion pour la Vierge. Nous y avons senti l’aspiration d’un peuple tout entier à la paix, à l’union et leur profond désir de dépasser les traumatismes, pourtant bien ancrés, d’une guerre sanglante.

Maxime, volontaire en Syrie

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